Archives de catégorie : Remords – 2002 T. 20 n°4

Odile Falque : de l’enfer

L’enfer est le lieu du remords se cachant sous le masque de la culpabilité. Il stigmatise “ l’angoisse d’éternité ”, plainte du patient Judas plongé dans l’irreprésentable et la fixité du temps. Sa position psychique est celle d’une identification féminine homosexuelle par rapport à une mère archaïque, retour du mort. L’enfer éternel est figé dans l’emprise de figurations religieuses originaires reliées aux imagos parentales dans la culture religieuse.

 

Marika Moisseeff : le monstre comme symbole de l’horreur maternelle

La sexualité des adolescents est devenue l’objet de toutes les attentions : il paraît essentiel, aujourd’hui, d’en prévenir les conséquences fâcheuses, au rang desquelles la grossesse occupe une place de choix. Or la métamorphose des adolescents en virtuels procréateurs et la maternité sont justement des sujets de prédilection dans les séries américaines qui leur sont destinées. La fonction procréatrice féminine y est présentée comme un phénomène parasitaire potentiellement mortel, force démoniaque qui menace l’humanité. Le héros rédempteur est féminin et sa trajectoire est comparable à un rite d’initiation.

 

Jocelyne Chastang : remords et re-mords, d’une homonymie inquiétante

Resituant le remords en lien avec la pulsion scopique et la castration maternelle, selon les travaux de Bonnet (Le remords. Psychanalyse d’un meurtrier), cet écrit tente de cerner l’évolution de cet affect, et notamment son intrication dans le processus de l’adolescence. L’hypothèse que le remords, en tant qu’angoisse d’effroi, peut sous certaines conditions, pousser à l’acte, sera développée, s’étayant sur le cas d’un patient ayant commis un meurtre immotivé en fin d’adolescence. Au travers de la reconstruction de l’enfance et de l’adolescence de ce patient, il s’agit de souligner comment la haine, les remords infantiles issus des relations précoces mère-enfant ne seront contenus lors de la période adolescente que par des réponses autodestructrices, errances pathologiques, toxicomanie… Ces solutions invalidées par l’impasse pubertaire mèneront le sujet, “ hanté ” par les imagos maternelles, jusqu’à l’acte meurtrier.

Stéphanie Frémont : acte sexuel violent et débordement du remords à l’adolescence : l’histoire de leila

À partir de la conceptualisation de Bonnet et de l’histoire d’une adolescente de seize ans amenée à commettre un viol sur la personne d’une autre jeune fille, plusieurs idées peuvent être dégagée quant à la spécificité du remords à l’adolescence et quant à son incidence dans le déclenchement d’actes violents.

Si le remords s’inscrit très tôt dans l’histoire du sujet, transmis à travers la filiation et repris par celui-ci en fonction de sa place dans l’ordre générationnel et de son propre vécu, l’adolescence le rendrait d’autant plus pesant que le sujet est pressé par son corps pubère de sortir des pactes fantasmatiques familiaux qui l’emprisonnent pour accéder à une identité génitale. Le remords à l’adolescence viendrait signer, pour l’adolescent, l’impossibilité de s’autoriser de son sexe et témoigner de l’enfermement de celui-ci dans une impasse entre l’identification primaire à la mère active et toute puissante et l’identification secondaire, œdipienne. Se heurtant à la nouveauté génitale, le remords pourrait conduire le sujet au passage à l’acte, ce moment fou de débordement du remords signant, de façon paradoxale, à la fois l’incapacité du sujet de s’engager sur la voie de l’accomplissement pubertaire et à la fois, son ultime tentative, vaine et désespérée, de redevenir sujet de son histoire. Et si cet acte s’avère un échec dans sa visée libératrice, peut-être pourra-t-il permettre au sujet, soutenu par le lien transférentiel, de reprendre la parole.

Mahommed Ham : de l’errance à l’exil ou le paradigme d’une langue de transfert

À travers une confrontation clinique, l’auteur montre comment l’écoute se trouve malmenée par l’insistance du récit événementiel ; et où justement l’impasse transféro-transférentielle se constitue comme sentiment de remords. Son analyse déploie aussi une heuristique inspirée par leur langue de rencontre et leur langue première, l’arabe. Cette dernière de par sa structuration particulière autorise quelques mots à se constituer en concepts métapsychologiques et en même temps comme reste langagier qui ouvre à une lecture du trauma dont la sortie est inscrite du côté de l’élaboration de la lettre.

François Richard : un remords de proust. contribution à la théorie psychanalytique de la création

Dans cet article est faite l’hypothèse que l’on trouve dans l’ensemble de À la recherche du temps perdu de Marcel Proust les traces d’une censure portant sur l’émergence de la sexualité pubertaire. Explicitement évoqué dans Contre Sainte-Beuve, le moment de découverte de la nouveauté pubertaire ne réapparaît ensuite que de façon voilée dans La Recherche. De cette censure et de ce remords, l’œuvre cherche à en réparer les effets destructeurs par une esthétique spécifique dont l’économie libidinale est ici analysée (en particulier le fantasme d’“ homme-lesbien ”, un certain fétichisme, et la métaphorisation permanente de l’angoisse de castration). Un regard nouveau peut alors être porté sur les apories proustiennes bien connues concernant la temporalité.

Gérard Pirlot : le plaisir coupable du remords … ou celui des dents mordant l’œil de l’inconscient

Si, chez le patient nommé “ Didier ” décrit par Bonnet, il fallut tout un travail psychotérapique pour, une fois consolidées les assises narcissiques, voir apparaître le remords point de départ à un véritable travail psychanalytique, il peut en aller différemment chez le patient névrosé. Le remords, parfois d’emblée là, témoigne en effet d’un trop grand attachement à l’imago maternelle ce qui limite alors toute possibilité d’une culpabilité subjectivement assumée. Ainsi, à partir d’une vignette clinique d’un sujet en analyse, après avoir rapproché le remords du reproche et avoir évoqué le lien entre remords et auto-sadisme (sadisme narcissique), l’auteur suivant en cela les différentes étymologies française et allemande du terme de “ remords ”, tente de définir métapsychologiquement ce que ce terme recouvre. L’économie pulsionnelle du remords se découvre être celle mettant en jeu un sadisme oral mêlé aux pulsions scopique et d’emprise, sa dynamique est celle d’un conflit de forces psychiques pouvant aller de la perception hallucinatoire (cf. le cauchemar) à la somatisation (vertige, “ état-second ”, etc.) ou le passage à l’acte, et enfin sa topique est celle d’un clivage du Moi devant la toute-puissance castratrice d’un Surmoi maternel et totémique (loi du talion). Dans la régression sadique-orale (cannibalique) qui le caractérise, le remords est une forme de retour du fonctionnement psychique dans la “ cavité primitive ” décrite par Spitz qui sert alors de “ contenant ” au Self du Moi (les assises narcissiques de celui-ci). Le sujet en proie au remords, tel Caïn, ou Œdipe à Colonne, “ écrasé ” (subjectivement) d’une culpabilité qui menace la cohésion du Self de son Moi, peut régresser solitairement dans le remords jusqu’à “ re-mordre ” répétitivement ce Moi par le biais d’un Surmoi maternel “ incisif ” et castrateur. La prise en charge psychothérapique et analytique du remords visera, par la parole, à “ transférer ”, sur le psychanalyste la culpabilité sous-jacente à ce remords afin de dégager celle-ci de cette gangue “ auto-sadique ” et auto-érotique qu’est le remords.

Maurice Despinoy : remords et réparation chez l’adolescent

La sélection d’un élément psychique unique – défense, pulsion affect – est une démarche de recherche qui contraste avec la position habituelle du clinicien. L’adolescent affronte le bouleversement pubertaire en utilisant les mécanismes schizo-paranoïdes. Sous l’effet des identifications antérieures et de l’idéal du moi, la position dépressive reprend parfois le dessus et suscite des remords. Mais souvent le besoin de l’autre l’emporte sur la préoccupation.

Yvon Brès : le péché sauveur

À une civilisation marquée par le christianisme qui affirmait que tout homme est pécheur et développait en chacun de ses membres une conscience du péché, risque d’en succéder une dans laquelle le remords pourrait, d’une part, à force d’être rejeté, ronger de façon clandestine le psychisme d’individus qui se croient affranchis de toute culpabilité, et, d’autre part, être sans cesse projeté sur autrui dans une poursuite irrationnelle de vengeance plutôt que de justice. Le monde moderne, devenu étranger aux dimensions théologiques et métaphysiques du péché, pourra-t-il trouver une voie permettant de dépasser cet usage aberrant du remords : rien pour moi, tout pour autrui ?

Gérard Bonnet : le remords. de l’auto-analyse de freud à la clinique des adolescents

L’auteur s’appuie sur un précédent ouvrage relatant la place du remords dans l’analyse d’un adolescent devenu meurtrier pour relire et réinterpréter la place de cet affect dans les textes où Freud témoigne de son auto-analyse. Il en dégage une théorie implicite, qui rejoint la théorie explicite, à peine ébauchée, et il souligne en particulier la face active et positive de cet affect présenté le plus souvent comme un handicap. Il montre ensuite les différents visages que prend le remords dans la clinique de l’adolescent en partant des principales caractéristiques qui se sont dégagées des analyses précédentes, de façon à en faciliter le repérage, la prise en compte et l’évolution. Cette étude veut aussi contribuer à mieux différencier les affects majeurs et à montrer comment se positionner quand l’un d’entre eux apparaît central et dominant, qu’il s’agisse de la honte, de la culpabilité, de la tristesse ou du remords.