Archives de catégorie : Regards – 2004 T. 22 n°3

Guy Lavallée : vision, pensée, narcissisme : que se passe-t-il quand “ tout est visuel ” ?

 

Il s’agit de chercher à poser les rapports entre la vision, la pensée, les langages parlés ou “ signés ” et le narcissisme à l’adolescence, tels qu’ils sont électivement révélés par la surdimutité. Pour toute personne sourde, la vision fait l’objet d’un surinvestissement salvateur et problématique à la fois. Son importance n’a pas besoin d’être soulignée, mais sa prégnance pose question. La théorie de “ l’enveloppe visuelle du moi ” permet de poser la problématique théorique, et quelques fragments de la psychothérapie d’un adolescent malentendant témoignent de la problématique clinique : souffrance narcissique et souffrance de pensée.

Dominique Agostini : Mélanie Klein analyste d’adolescents : I. le cas “ Félix ”

Dans l’analyse de Félix, Klein a exploré les inhibitions pathologiques qui entravaient les processus de pensée de cet adolescent. Elle a découvert que penser naît de liens suffisamment créatifs entre les parents internes. Les concepts d’objet interne et de fantasme inconscient constituent en ce sens, l’un des aspects les plus novateurs de cette analyse. Klein y soutient que revisiter l’Œdipe précoce à la puberté constitue le préalable indispensable au développement conjoint de la bisexualité psychique et de la “ puberté psychique ”.

Jean-Yves Le Fourn : “ les lunettes ” de poe

Ce conte, “ Les lunettes ”, issu des Histoires extraordinaires d’Edgar Allan Poe est une histoire “ grotesque ” qui va nous montrer que si à l’adolescence on regarde sans voir ou que l’on voit sans regarder, la résolution des énigmes du sexuel, de l’identité, du devenir social sera difficile, car comme le héros au départ, il restera englué dans les rets des problématiques œdipiennes et incestuelles.

Le regard adolescent est avant tout “ un langage et il développe l’épreuve ” (Jean Cocteau).

Brice Courty : adolescence film d’horreur

L’étude d’une catégorie particulière du film d’horreur, les slashers, tant du point de vue du contenu que de la forme, nous mène sur la scène du vécu adolescent. La charpente de l’inquiétante étrangeté et sa temporalité syncopée laissent entrevoir une problématique inconsciente commune. L’enjeu central du féminin trouve pour l’adolescent une solution de représentation et d’élaboration à travers les figures identificatoires du tueur et de la victime. Véhicule d’un rituel d’initiation dégradé, le slasher constitue une ressource de l’adolescent face au bouleversement pubertaire.

Pascal Hachet : le regard du lecteur adolescent sur un texte littéraire écrit par un autre adolescent

 

L’écrit littéraire adolescent constitue un riche support identificatoire pour le lecteur du même âge. Les auteurs adolescents qui ont poursuivi et amplifié leur créativité à l’âge adulte fournissent une identification constructive, sur fond de subjectivation réussie du processus pubertaire, mais ceux qui n’ont écrit qu’à cet âge suscitent une fascination intense chez les jeunes lecteurs qui tendent à dénier la réalité du pubertaire. Le collage sans distance à l’œuvre ou à l’auteur peut être alors le signe d’une issue mentale catastrophique – potentielle ou avérée – de la crise d’adolescence. L’observation de Jean-Marie, dix-sept ans et “ fan ” tant des poèmes que de la vie de Rimbaud, illustre en détail cette occurrence problématique.

Marika Moisseeff : les lolitas ou l’histoire d’une altérité structurelle

 

Depuis la parution du roman de Nabokov en 1955, de très jeunes filles “ au physique attrayant, aux manières aguicheuses, à l’air faussement candide ” (Petit Robert) sont désignées indifféremment par les termes lolita ou nymphette : ce sont des femmes en puissance dont le corps n’a pas encore subi les bouleversements associés à la fonction maternelle. Une nymphe désigne aussi la chrysalide de certains insectes dont la larve est en train de se transformer en reproductrice mais qui conserve encore des traits juvéniles. À quoi peut donc renvoyer ce lien entre une féminité “ innocente ” prépubère et un animal inférieur tel qu’un insecte ? L’analyse de certaines œuvres de fiction peut nous en révéler la clé.

Alix Bernard : surdité et mise en scène d’une différence interdite

La surdité modifie le rapport de la voix et du regard. Le sourd en effet “ voit les voix ”. Ce primat du visuel est souvent redoublé par un accès tardif à la compréhension de la parole. À travers le cas de Perrine, nous interrogeons les liens entre la surdité et son déni et une surdétermination du côté de l’exhibition-voyeurisme. Soumise au regard de l’autre, à la fois lieu de réassurance narcissique et instance surmoïque, Perrine est en effet piégée dans un scénario immuable. De manière répétitive, elle donne à voir son désir de rencontre et une rencontre impossible, la différence sexuelle la renvoyant à une autre différence, son handicap interdit.

Sabine Belliard : regard et couleur de peau

La couleur de peau d’un patient est un élément peu pris en compte dans le travail thérapeutique. La psychothérapie de Denise, jeune fille antillaise de vingt-deux ans, montre comment sa couleur, en articulation avec son histoire spécifique, a eu des effets psychiques profonds, en particulier au niveau de sa relation à sa mère et de sa construction narcissique. Des liens sont faits entre ces observations concernant le vécu psychique des couleurs de peau aux Antilles et le passé historique particulier de cette région du monde qui a connu la traite esclavagiste.

Michel Delage : voir dans la thérapie familiale

Les problèmes liés à l’adolescence ou la fin d’adolescence se posent en terme de parentalité chaque fois que des parents prennent rendez-vous au sujet de leur enfant. Dans ces cas, il semble important que les interventions thérapeutiques tiennent compte de ce qui se joue à la fois au plan des psychismes individuels et dans la relation entre les différents protagonistes. Une étude critique de ce mode d’intervention est présentée, concernant notamment la position du ou des thérapeutes en référence au concept de résonance défini par Elkaïm.