Archives de catégorie : Psychothérapie III – 2006 T. 24 n°2

Bernard Kabuth, James Lock : traitement de l’anorexie mentale de la jeune fille : de la lorraine à la californie

Un séjour d’une année de l’auteur principal dans le service de pédopsychiatrie de l’université de Stanford a permis aux praticiens français et américain de comparer leur pratique clinique dans le cadre du traitement de l’anorexie mentale de la jeune fille.

Les différences se retrouvent moins dans les références théoriques que dans les pratiques qui sont très liées au contexte culturel et au mode d’organisation financier du système de soins des deux pays.

Sont comparées les indications et les conditions de l’hospitalisation et des suivis ambulatoires. La discussion montre les avantages et les inconvénients de ces deux pratiques. L’intérêt de la séparation thérapeutique qui n’est plus pratiquée en Californie, est commenté.

Maurice Corcos : le contrat de soins dans le traitement hospitalier de l’anorexie mentale : séparation-réappropriation-subjectivation

L’établissement d’un contrat de poids dans le traitement hospitalier de l’anorexie mentale,  inscrit d’emblée dans la tête des parents et de la patiente, le souci dénié pour la réalité somatique et son devenir à risque de complications graves. Puis, rapidement s’établit que la question centrale n’est pas celle fantasmée de « gaver » la patiente par une technique médicale qui la rende « grosse », mais bien celle du devenir femme entravé, d’une jeune fille qui fait avorter par sa conduite active et volontaire son processus d’adolescence. Cette référence symbolique du contrat instruit des effets sur le corps et les processus de pensée de la patiente, et permet des remaniements identificatoires.

La contrainte vécue de l’acte thérapeutique est toujours bien moindre que la violence des relations primitives du moi du sujet avec son surmoi archaïque et vise à soulager les contraintes internes à l’origine de la restriction alimentaire et de l’amaigrissement. La « persécution » extérieure s’oppose au dictateur interne… le conflit est déplacé dans la relation aux soins (figure des conflits avec les parents) et permet l’émergence de nouvelles possibilités de représentation. Le conflit est à nouveau humain et pendant tout un temps vont se déployer déni, clivage, projection, à visée défensive, avant qu’une rencontre dans le conflit ne soit possible, rencontre qui protège le narcissisme du patient (elle ne s’humilie pas dans une demande d’aide, le lien lui est imposé). Cette rencontre permet l’exploration des désirs profonds de la patiente, et de son degré de résistance dans le déni ou le conformisme plaqué C’est cette dialectique désir-résistance qui permet l’établissement d’un diagnostic en termes économiques puisque fondamentalement c’est le désir qui construit l’aliénation. Le contrat est un artifice technique, qui provoque une situation de séparation fortement appréhendée par la patiente et sa famille, et qui révèle la complexité (nature, intensité et ambivalence) des liens parents-enfants et les fantasmes qu’ils ont générés. Il permet d’étudier la problématique centrale de séparation : atermoiements autour des poids de séparation et de sortie, fétichisation d’un poids, réactivation de la problématique de séparation à l’occasion de la sortie de l’institution. Adoptant le langage du symptôme et le cantonnant dans le cadre du contrat de poids, le psychiatre peut alors dans l’espace psychothérapique déployer son offre de soins vivants.

Guy Scharmann : jeux de main

À partir de trois références différentes (un petit sondage, un livre de G. Haddad et deux vignettes cliniques), l’auteur essaie de poser quelques questions à propos des poignées de main échangées lors des séances de psychanalyse ou de psychothérapie ; une façon par le biais de cet aspect du cadre, d’interroger la place du corps dans la cure, et son éventuelle « mise en séance ».

Daniel Oppenheim : les adolescents traités pour un cancer et le sentiment d’enfermement

Le sentiment d’être enfermé dans l’univers de la maladie, de l’hôpital, de la médecine fait partie de l’expérience traversée par un adolescent traité pour un cancer. Il est accentué quand le traitement se fait dans une unité « protégée » en raison d’une chimiothérapie avec support de greffes de cellules sanguines souches. La situation d’enfermement concentre et exacerbe tous les éléments de l’expérience du cancer, en particulier la perturbation de la relation au corps (devenu étrange ou étranger) et aux autres (le retrait, la fuite, la demande excessive, la colère), celle du sentiment d’identité, la difficulté à formuler ses pensées et à les exprimer, la peur de penser. Les parents sont eux aussi troublés. Pour aider les adolescents à traverser sans déstabilisation cette phase du traitement et l’enfermement qui la caractérise et, plus tard, à se déprendre de ses effets séquellaires, il importe que le psychanalyste en connaisse suffisamment la réalité pour travailler à partir des éléments divers qui la composent et non avec sa définition globale et les fantasmes qu’elle suscite. Nous décrirons d’abord les éléments constitutifs de ces traitements, puis les repères qui peuvent guider le psychanalyste dans ces situations particulièrement difficiles.

France Audiffred : « est-ce qu’on peut aller là où on ne va jamais ? »

Dans la clinique en institution, les adolescents aveugles font souvent entendre leur crainte de ne pas être vus. Sortir de l’invisibilité suppose de se confronter au regard de l’Autre essentiel à la validation spéculaire et à la question du manque et de la perte infléchie par la privation sensorielle.

Abdelhadi Elfakir : le conte entre rêve et parole : d’une modalité d’articulation du sujet et du collectif

Le sujet de l’inconscient et le collectif entretiennent des relations consubstantielles. Ils sont l’un pour l’autre comme l’endroit et l’envers. Le passage de l’un à l’autre se fait comme sur une bande de Mœbius où l’on ne peut distinguer un intérieur d’un extérieur. Si le sujet de l’inconscient est l’effet des lois du langage, il n’est pas sans prendre la coloration des productions collectives et leurs montages institutionnels qui, par un certain agencement collectif de discours et des énonciations, creusent des canaux et lui confèrent des modalités d’expression spécifiques. Le conte et le rêve, tels qu’ils peuvent se renvoyer l’un l’autre et se déployer dans une parole singulière, se donnent comme des moyens privilégiés pour saisir cette articulation. L’illustration en est faite ici à partir d’une rencontre clinique de recherche, dans un contexte culturel de tradition orale, avec une jeune femme de onze ans, contant les marques d’un destin pour les signes d’une destinée rêvée.

Laurence Chekroun : il y a un temps pour tout

Des pensées me viennent en séance dont je parle d’emblée ou alors que j’engrange précieusement durant des jours, des mois et même des années. Loin d’être mises de côté, elles sont tout autour de nous durant les séances et nous encadrent. J’illustre mon propos avec le parcours psychothérapique d’un adolescent suivi d’abord entre l’âge de treize et quinze ans, puis qui est revenu me trouver à l’âge de dix-huit ans. Il arrive un temps où il devient indispensable d’exprimer ces pensées jamais évoquées. Durant la seconde partie de sa psychothérapie et à l’occasion d’une difficulté pour lui à se rendre régulièrement à sa séance hebdomadaire, je les mettrai en mots.

Serge Hefez : attache-moi. liaisons dangereuses du couple et de la famille

L’auteur interroge les modifications de la structure de la personnalité liées aux changements spécifiques de la société et de la culture, et principalement les modifications de la vie familiale et des modes de socialisation.

Le thérapeute familial se doit de prendre en compte la dimension sociale du narcissisme. Il s’avère nécessaire de travailler les liens conjugaux et familiaux en relation avec les impératifs de la liberté et de la faiblesse des contraintes extérieures pour les réguler.