Archives de catégorie : Perversion ? – 2006 T. 24 n°3

Joëlle Nouhet-Roseman : dans son tee-shirt hello kitty, lolita lit des mangas

Cet article examine des manifestations de l’ambiguïté sexuelle au Japon et en Occident. Il retrace l’historique de la mode juvénile kawaï et de la culture shôjo (adolescente) et en explore certains aspects, dans la rue et dans les bandes dessinées japonaises. La frontière est floue entre le kawaï et les Lolitas. Les adolescentes jouent avec leur image, séduisent, se travestissent, lisent des mangas dont les yeux immenses des personnages et les thématiques les « regardent » beaucoup. L’article propose des hypothèses sur les fonctions de l’accrochage à l’infantile dans la quête identitaire et sur la tentative d’aménagement de solutions aux confusions et angoisses de l’identité sexuée.

Christine Condamin : la métamorphose de l’homme en sein et le fantasme d’une jouissance illimitée dans Le Sein de Philippe Roth

Philippe Roth, dans son œuvre marquée par une formidable créativité et un humour éblouissant, présente des héros aux prises avec des difficultés psychopathologiques qui entravent singulièrement leur vie amoureuse : leur désir est souvent marqué par l’errement, l’inconstance voire l’inconsistance, et leur sexualité par un besoin de contact sensuel insatiable. Le conte métaphorique Le sein (1972), qui s’inscrit dans la lignée des métamorphoses, amène à réfléchir, à travers la transformation du héros David Kepech en sein, sur le fantasme (ou la perversion) tabou mais fréquent de la possibilité de vivre une jouissance toujours renouvelée et illimitée. Dans La Bête qui meurt (2004), le même héros parvient, au prix d’une profonde réorganisation psychique, à abandonner sa chère liberté inconditionnelle et sa constante recherche du plaisir érotique ; il accède à une véritable relation amoureuse où l’Autre peut réellement être aimé dans une dimension sexuelle et affective.

Pierrick Brient : le désaveu du féminin chez l’abbé de choisy

L’adolescence est un temps privilégié de révélation de l’aménagement pervers. Nous proposons de l’illustrer à partir des « Mémoires de l’abbé de Choisy habillé en femme » (1687-1695), que J. Lacan invitait à lire. Articulée à l’imaginaire maternel, la pratique travestiste de Choisy témoigne d’un démenti de la castration et de l’identification du sujet au phallus. De par le maintien d’une phallicisation du pénis, où le fétiche domine, la nouveauté pubertaire se trouve désavouée et le Féminin non figuré. Seule une stratégie fétichiste a pu répondre pour lui au décès de la mère.

Brigitte Haie : le statut du fantasme dans la perversion, au travers de quelques œuvres de p. klossowski

Aborder le fantasme comme théorie de l’adolescence permet d’interroger comment le moment adolescent du fantasme est révélateur de l’orientation dans les différentes structures cliniques du sujet en devenir. Il s’agira ici plus spécifiquement de la refonte du fantasme dans la perversion au travers de quelques œuvres de P. Klossowski. Nous repartirons de différents personnages (Octave, Antoine, le jeune Ogier et enfin Actéon) issus de différentes œuvres pour illustrer comment il y a un arrêt sur images dans le fantasme pervers qui rend le montage de ce dernier en quelque sorte inopérant. Il demeure une mise en scène répétitive et ennuyeuse.

Claude Savinaud : la dé-monstration de l’exhibitionniste

Une perversion ne peut exister que de sa disjonction avec le rapport sexuel. À partir d’un cas de voyeurisme-exhibitionnisme, nous développerons l’étude de cette père-version comme une suppléance au défaut d’une harmonie supposée de la relation entre les sexes, grâce à la production d’un signe, le phallus, qui présentifie le Sujet à travers le regard de l’autre sexe. La concordance avec une inhibition à agir une séparation avec l’objet maternel dé-montre la dépendance de cette version a-sexuée du coït à la carence d’une intervention d’un père réel dans le champ de la castration symbolique.

Anne-Marie Vaillant Solins, Stéphane Bourcet : réflexions sur les incidences criminologiques des aménagements pervers à l’adolescence

L’expert judiciaire est fréquemment confronté aux butées du pubertaire et à ses aménagements transitoires de type pervers.

Certains éléments cliniques permettent de faire un pronostic par rapport à l’éventualité d’une stabilisation de ceux-ci. Mais, dans tous les cas, la prudence s’impose pour l’expert quant au diagnostic de perversion.

Céline Simonnet-Toussaint, Pascal-Henri Keller, Marion Haza : le vin à l’épreuve de la filiation

À partir d’une recherche sur les représentations du vin chez les jeunes adultes, nous avons été amené à envisager la question de la filiation et notamment le rapport à la fonction paternelle dans une dynamique trans-générationnelle. En proposant des entretiens cliniques ayant pour seule consigne : « Racontez-moi votre histoire personnelle du vin », les sujets rencontrés ont associé le signifiant « vin » à des problématiques inattendues. Ainsi, penser le vin revient bien souvent à penser le père et par là même, la mère. Le cas de Lucien montrera alors comment, par le jeu transférentiel, l’entretien clinique de recherche a pu permettre au sujet la mise en mots d’une histoire familiale traumatique.

Stephan Wenger : aurélie, le couple « perversion » – psychose pubertaire

Aurélie est envahie depuis sa puberté par des fantasmes pédophiles et sadiques ; après avoir été contenus pendant des années dans l’imaginaire, ils viennent d’être mis en acte. En parallèle, tout ce qu’elle présente en séance et ailleurs est d’une labilité inflexible ; ses caractéristiques psychopathologiques témoignent d’une menace de désorganisation psychotique récurrente et la situent dans le registre d’une psychose pubertaire. Cette vignette clinique offre l’opportunité d’une discussion de l’articulation entre « perversion » et psychose pubertaire.

Fanny Dargent : Les scarifications chez l’adolescente : du masochisme cruel aux scénarios pervers comme mouvement paradoxal de subjectivation

À la lumière d’un cas clinique au sein d’un service d’hospitalisation pour adolescents, il s’agit de montrer en quoi les scarifications servent deux mouvements psychiques consécutifs : rattacher au masochisme cruel vise à la décharge d’une tension inélaborable s’originant dans un traumatisme réel effracteur survenu durant l’enfance ; permettre l’actualisation du traumatisme via la mise en place de scénarios pervers (en particulier exhibitionnistes) au sein des mouvements transférentiels dans le service. Paradoxalement, cette utilisation de l’acte-symptôme dans un contexte pervers s’offre comme relance des processus de symbolisation et de subjectivation face aux risques de désorganisation psychique.

Houari Maïdi : le corps du problème

Corps du destin et destin du corps sont des problématiques importantes à l’adolescence qui met en lumière le « destin » de l’héritage absolu, fondamental et unique légué par les parents. En ce sens, il existe selon nous, un après-coup intergénérationnel du traumatique que l’on définit par l’excès du « trop » comme par celui du « pas assez ». De la sorte, le « mauvais » est implanté dans la vie psychique de l’enfant qui à l’adolescence se sent encombré par l’histoire « corporelle » de ses parents. Aussi, au-delà des assauts pulsionnels de l’adolescence, le corps à cet âge du développement révèle comme un « défaut d’origine ». C’est pourquoi le jeune sujet n’arrive pas à se défaire du « problème du corps » qui met en jeu la séduction et la sexualité, du « problème » finalement du corps.