Archives de catégorie : Nouages – 2002 T. 20 n°1

Françoise Frontisi-Ducroux : parties de chasse chez les Grecs

En Grèce ancienne la période qui correspond à l’adolescence est pensée et institutionnalisée différemment selon le sexe. Pour les garçons, les rituels initiatiques les plus importants concernent l’entrée dans l’âge adulte. Pour les filles, cela se situe plus tôt et les pratiques rituelles sont censées correspondre à une préparation au mariage. Les mythes mettent l’accent sur les difficultés et les échecs. Accidents de chasse sanctionnant une incapacité à trouver un équilibre comportemental et sexuel, pour les uns, crises maniaques et suicides pour les autres. Les divinités qui ont la charge de surveiller ces périodes critiques sont toujours impliquées dans ces scénarios tragiques.

Olivier Douville : adolescents-combattants dans les guerres “ modernes ”

À partir d’une expérience clinique avec des adolescents rescapés des guerres civiles en Afrique de l’Ouest, l’auteur introduit une série d’analyses anthropologiques et cliniques. Réfutant toute assimilation des guerres “ modernes ” aux guerres ethniques, il revient sur le statut particulier des adolescents dans les conflits, et propose des lignes de relecture de la dimension de guerre fraternelle et de parricide, pour montrer en quoi la question même de l’identification (en tant que résultat et en tant que structure) est rendue sensible ici. La scène adolescente convoquée par la guerre est aussi détruite dans la guerre. Ceci réinterroge la possibilité pour un jeune d’accomplir un passage adolescent tant que le trauma ne sera pas élaboré.

 

Jean-François Rabain : liens fraternels, rivalité et narcissisme des petites différences

Freud nous a légué une théorie de la rivalité fraternelle à partir de son auto-analyse. Pour lui, le fraternel, c’est du paternel déplacé. Les conflits nés des rivalités fraternelles sont reliés à l’Œdipe. Lacan a montré combien la jalousie entre frères et les conflits de rivalité relèvent autant d’une identification mentale que d’une rivalité vitale. Le rival joue, en effet, le rôle d’une image identificatoire qui permet au sujet de se constituer. La question du narcissisme et, en particulier, du narcissisme des petites différences, apparaît comme centrale. Comment les petites différences remettent-elles en question le moi idéal du groupe et l’idéal transmis de génération en génération ? Comment l’origine peut-elle être partagée ? Telles sont les questions que cet article se propose d’examiner en discutant les travaux d’un certain nombre d’auteurs (ceux de Gilbert Diatkine et de Daniel Sibony, en particulier).

 

Philippe Gutton, Marie-Christine Aubray : entre nous

Le concept de lien est défini à partir des processus tertiaires travaillés par Green. Le “ nous ” approche intersubjectale, élargit cette définition. L’usage des termes de psychopathologie et psychothérapie du lien est plus clair. Un raisonnement clinique est en suite, proposé par Marie-christine Aubray.

 

Boris Cyrulnik : attachements et interdits

Pour Freud, la sexualité infantile est la colle qui lie l’enfant aux parents. Beaucoup de conflits ont leur origine dans un tel lien sexualisé. La théorie d’attachement différencie dynamique sexuelle et dynamique d’attachement.

Ce point de vue est appuyé sur des données éthnologiques récentes, qui suggèrent que l’attachement et la sexualité sont tous les deux liés à l’“ International Working Model ”.

C’est surtout quand l’attachement est insecure que la sexualité est susceptible de se développer de façon malheureuse.

 

Eléana Mylona : tutoiement et vouvoiement  : l’“ un ” devient “ plusieurs ”

À partir du traitement analytique de Sabrina, en se référant au modèle d’Œdipe et à la notion de la pluralité d’aspects du sujet, l’auteur tente de mettre en évidence les liens que le langage effectue au cours de l’organisation psychique à l’adolescence, afin de proposer l’idée d’un aspect opérationnel et fonctionnel du récit de l’adolescent. Ce récit rationnel est défensif à la fois contre le sexuel infantile et contre la désintrication pulsionnelle, alors qu’il permet à l’adolescent de re-accéder à la négation et au jugement de vérité en s’appropriant un certain degré d’indépendance par rapport au principe de plaisir mais aussi par rapport au refoulement.

Cette proposition serait appuyée sur le passage du tutoiement au vouvoiement à l’adolescence. Là où l’un devient plusieurs.

 

Denis Lafortune : “ visa le noir, tua le blanc ”, de fausses allégations d’inceste sous l’angle des transmissions intergénérationnelles

Un nombre substantiel d’allégations de sévices sexuels s’avèrent fausses lorsque se conclue l’enquête. Près de 35% des accusations portées dans un contexte familial ou quasi familial (c’est-à-dire les familles reconstituées) sont jugées sans fondement. Cet article est consacré aux allégations d’une adolescente de quinze ans qui s’avèreront fausses quant aux gestes attribués au père, mais qui seront néanmoins révélatrices de certaines vérités familiales. À partir de cette situation clinique troublante, nous proposerons quelques réflexions autour du “ vrai ” au sens de la sincérité de l’adolescente, du “ vrai ” au sens de la vraisemblance et de l’interprétation de la réalité, des transmissions intergénérationnelles et du passage à l’acte en tant que moment critique pour l’activité de représentation, non seulement de l’adolescente mais aussi de ses parents.

Gianluigi Monniello : les destins de la violence en hôpital de jour

En hôpital de jour, les destins de la violence et de ses différentes figurations dépendent de l’offre d’un appui psychique de la part du thérapeute, du groupe des soignants et du cadre institutionnel contenant, qui puisse fournir des modèles par la symbolisation.

La description détaillée de la prise en charge d’un adolescent violent Ennio, vient illustrer l’objectif thérapeutique premier qui est l’intériorisation de la fonction contenante de l’hôpital de jour considéré comme une communauté transférentielle dans laquelle les transferts se déploient en une dimension intersubjective.

Olivier Ouvry : le “ nous ” et l’avènement du sujet

À partir de la question de l’engagement dans un travail psychothérapique de sujets adolescents, nous interrogeons le passage des entretiens préliminaires à ceux où un travail effectif a lieu, à travers deux points dialectisés : l’intervention d’une tiercéisation dans la relation apparemment duelle de l’entretien psychothérapique, et le passage du “ on ” au “ nous ” dans le langage du patient, négligé grammaticalement, retenu par nous comme significatif de l’avènement du sujet.