Archives de catégorie : L’organe et le sujet 2 – 2003 T. 21 n°4

Philippe Gutton : spéléologue par vocation

Le thème du pubertaire comprend la révélation de la troisième dimension du corps féminin, c’est l’évolution pubertaire du maternel féminin. L’auteur travaille ce qui serait la métaphore maternelle génitale. À l’ordinaire les jeux érotiques des jeunes adolescents sont autant de symbolisation de masques de la profondeur maternelle. En pathologie, le déni de la métaphore est assurée, défendue par les pratiques de l’incorporation, autant d’aspects de la fétichisation du corps de l’adolescent. La sexualité de surface est banale aux débuts de l’adolescence. Elle peut se perpétuer, l’exemple d’André Gide est interrogé.

Dominique Agostini : un adolescent dans la grande guerre : bion

À partir du « Journal de guerre » – juin 1917-janvier 1919 – de Bion et des « Commentaires » que ce dernier écrivit 50 ans plus tard, l’auteur établit des liens entre l’expérience de guerre de Bion-adolescent et certains concepts créés par Bion-analyste. Ceux, notamment, de « changement catastrophique », de « terreur sans nom », de « personnalité psychotique » et de « mentalité de groupe ».

 

Anne Tassel : figures de l’in-distinction sexuelle : les mangas

Le jeu d’échange mis en scène par les mangas entre masculin et féminin semble satisfaire le fantasme et l’angoisse d’in-distinction sexuelle chez l’adolescent, invité par cette lecture à « subir une mutation totale tout en restant le même ». La thématique des mangas souligne l’incidence majeure de ces fantasme de permutabilité des sexes par le travestissement, alors que ceux-ci nous semblent masquer les résistances au choix sexuel. La perméabilité entre figures mâles et femelles, insistant sur la mise en scène d’un exhibitionnisme du féminin, viserait plus à faire « briller » le sexe de la femme, au détriment d’une modification de la relation objectale. L’ajustement de l’ambiguïté sexuelle à la réalité, en réactivant le système projectif, semble se satisfaire d’une image culturelle à la fois ludique et complexe figurant une certaine actualité du travail de différenciation sexuelle.

Mots clés : Identité sexuelle, Exhibitionnisme, Féminin, Projection.

antoine masson : retour vers la rupture afin d’être « soi-même », emporté

À travers une séquence clinique soutenue dans le transfert avec Jérémie perdu dans un sale ennui depuis quatre ans, l’auteur cherche à exemplifier la démarche de la « clinique de l’événement », tant au niveau du mode de diagnostic portant à la fois sur la situation paradoxale et sur le sujet qui tente de s’y reconnaître, au niveau du parcours consistant à faire demi-tour vers le point de fracture de l’existence en se soutenant des diverses formes du « deux » ramenées dans le transfert, qu’au niveau de l’opération de passage qui conjugue la parvenue à une butée et la transmutation du retour en force d’en-avant. L’expérience du poète sert d’appui afin de préciser les enjeux d’un tel parcours clinique qui ouvre au possible à partir d’un point se présentant comme impossible.

Pascal Le Maléfan : le crachat chez l’adolescent, entre émission et expression

Cracher est un comportement fréquent durant l’adolescence, surtout chez le garçon, et il apparaît d’abord comme un signe de virilité qui se montre. Mais nous faisons ici l’hypothèse qu’une incompatibilité avec la parole, une parole où la subjectivité se trouve impliquée de manière iné-dite, est rencontrée dans ce comportement même qui amène le sujet à abandonner le paraître, la parade, pour se risquer plus avant dans un dire support de la séduction et de la relation amoureuse comme d’une nouvelle position dans le monde.

Robert Malet : le point de vue d’un dermatologue

L’approche psychosomatique relève du grand écart. Il s’agit de parvenir à lier, d’une part l’approche médicale dont le fondement même est l’isolement et l’objectivation du symptôme, d’autre part le sujet, son histoire, ses peurs et ses demandes qui sont parfois complexes. À travers quelques observations cliniques, nous tenterons de dégager certaines particularités de cette prise en charge chez l’adolescent.

Catherine Desprats-Péquignot : d’un trou dans la gorge aux organes imaginaires du sexe

L’équivalence classique sexe/visage, la parole associative d’un sujet dans la relation d’interlocution en favorise parfois la survenue, permettant d’appréhender cliniquement des correspondances substitutives entre « bas » et « haut » mais aussi ce qui par là vient se dire pour un sujet, qui lui est propre, et qu’il méconnaît. Ainsi le cas d’Anaïs invite à considérer les correspondances gorge/regard/œil/sexe féminin condensées dans l’image générique du « trou » à laquelle l’événement vécu d’une trachéotomie offre un support propice à l’expression de sa réalité psychique et de ses positions subjectives.

Michel Amar : Nicolas en psychodrame

Les eczémas atopiques peuvent représenter des maladies gravissimes et invalidantes… Le psychodrame psychanalytique peut constituer un atout dans le traitement de ces graves affections, mais l’interprétation psychanalytique mutative n’est pas toujours possible. Les éléments narcissiques contenus dans le groupe peuvent jouer un rôle dans la capacité du patient à ressentir ses émotions et relancer une vie imaginative lui permettant d’exprimer une figuration de sa dépression.

Robert Letendre, Pierre Doray : expérience de la grossesse à l’adolescence

Les auteurs présentent les résultats d’une recherche sur la grossesse à l’adolescence menée auprès de 46 adolescentes enceintes de la région de Montréal. La recherche tentait de répondre à trois questions, qui sont : 1 – Pourquoi les adolescentes deviennent-elles enceintes ? 2 – Comment les adolescentes vivent-elles leur grossesse ? 3 – Quelle est la fonction de la grossesse et du bébé à naître pour ces adolescentes ? Il se dégage des résultats trois grandes fonctions de la grossesse pour ces adolescentes : 1 – Réparer le passé et avoir une vie meilleure, 2 – être adulte et autonome, 3 – Accentuer la dépendance au milieu familial. Les adolescentes appartenant à ces catégories présentent un vécu psychique qui les caractérise. Les différences entre les trois groupes se retrouvent, entre autres, dans la place qu’occupe la représentation du bébé à naître, l’image de soi, les changements de l’humeur et les relations avec les parents.

Daniel Marcelli : la grossesse : une immixion douloureuse dans la sexualité de l’adolescente

La survenue d’une grossesse à l’adolescence est le plus souvent imputée à « un accident » et la réponse médico-sociale consiste en une meilleure information sur la contraception. Pourtant à y regarder de plus près, une autre logique que celle de l’accident apparaît souvent, les adolescentes exprimant, quand on les autorise à parler, un désir de grossesse ou un désir d’enfant. Pourquoi une jeune adolescente est-elle parfois envahie par ce désir au point de ne pas pouvoir le différer même temporairement, pourquoi est-elle prête à sacrifier une partie de son adolescence ?

La grossesse apparaît comme un besoin impérieux d’obtenir une réponse immédiate aux questions que toute adolescente se pose sur sa fertilité potentielle ou comme la recherche instantanée d’un complément à une carence ancienne : avoir un bébé dans les bras.

Ne voir dans la grossesse de l’adolescente que le résultat d’un accident ou du destin, c’est réduire singulièrement la signification d’un tel événement. C’est en particulier méconnaître la souffrance de l’adolescente, méconnaître les difficultés de cette jeune fille à prendre soin d’elle, prendre soin de son corps, à assumer les tensions psychiques inhérentes à la sexualité, à tolérer d’attendre.

Jacques Goldberg, Philippe Givre : des subjectivations à l’adolescence

La notion de subjectivation, pour aborder le travail adolescent, implique d’interroger la spécificité du sujet en question et les enjeux d’un processus qui seront dégagés à partir de l’examen de trois ouvrages. Il s’agira donc de nous ressaisir de la singularité de ces trois approches originales du processus de subjectivation : sujet de la chair et « inconscient premier » (Cahn) ; oscillation hystérico-dépressive et mélancolie de base (Richard) ; travail de retournement passif/actif et accès à un « se laisser faire par les signifiants » (Penot). L’accent sera mis sur la fonction centrale du réel du corps sexué qui semble à certains égards sous-estimée par ces auteurs (première partie de l’article publiée dans le précédent numéro). Dans un second temps, et dans la deuxième partie de l’article (ici publiée), les options que nous avons retenues nous porterons à examiner le rapport du sujet à ses « potentialités » réelles qui le constitueront comme sujet social et culturel, ainsi que le travail d’auto-création et celui de sublimation(s) appréhendés comme essentiels aux dégagements pulsionnels. Si le sujet en question est un « moi-sujet », il en résulte au niveau des approches cliniques, une mise en tension entre deux intentionnalités : l’une au niveau du moi (fonctionnel et narratif) et l’autre au niveau du sujet (divisé et confronté à la castration).