Archives de catégorie : Homosexualité 2 – 2001 T. 19 n°1

Catherine Ternynck : clinique de l’homosexualité féminine à l’adolescence

Certaines rencontres homosexuelles féminines auraient-elles, à l’adolescence, une dimension structurante ? Aideraient-elles certaines jeunes filles à se dégager de liens érotiques jusqu’alors entretenus avec leur mère à des fins narcissiques ? Auraient-elles un effet de levier, de relance vers l’hétérosexualité ? En ce cas qu’est-ce qui, dans leur économie interne, explique que certaines adolescentes aient recours à une telle solution et que d’autres engagées dans le même travail psychique, semblent en mesure de s’en passer ?

Cet article cherche à dégager une dynamique commune aux mouvements homosexuels les plus divers, des plus ordinaires aux plus pathologiques, au cours de l’adolescence féminine. Il envisage ainsi une transitionnalité homosexuelle, une aire d’expérience permettant une reprise élaborative de la séparation et une relance introjective des qualités féminines de la mère.

François Pommier : de la passion parentale à l’homosexualité naissante

Les situations cliniques comparées de deux hommes ayant présenté des relations de type homosexuel à l’adolescence conduit à appréhender l’homosexualité naissante en rapport avec le désarroi de l’adolescent confronté au langage de la passion parentale. Il résulte de cette étude que si le passage à l’acte homosexuel à l’adolescence consiste à chercher un autre soi-même en miroir à l’extérieur de soi, c’est essentiellement en fonction de l’image des parents confondus en un seul qu’il se constitue. La relation homosexuelle à l’adolescence ne se construit peut-être pas tant en suivant un processus de similarité qu’en s’organisant autour d’une confrontation à l’autre, différent de soi et essentiellement énigmatique.

Daniel Marcelli : narcissisme primaire et homosexualité à l’adolescence

L’adolescent balance régulièrement entre la nécessité de s’identifier et le besoin de se différencier : l’homophilie s’inscrit de ce fait au cœur du processus d’adolescence comme on le rappelle tout d’abord. Entre, l’homophilie et la “ question de l’homosexualité ” la frontière est certes souvent mince, le consultant se trouve assez régulièrement confronté avec son patient aux diverses déclinaisons possibles d’une homosexualité qu’elle soit narcissique, névrotique, perverse, abandonnique, etc. Cet article se centre plus précisément sur la composante narcissique de l’homosexualité à travers la relation précoce mère enfant et tente de distinguer la situation du garçon et celle de la fille. Plusieurs cas cliniques servent d’illustration.

 

Jean-Bernard Chapelier : homosexualité, homophilie et fantasme d’auto-engendrement

Le fantasme d’auto-engendrement (qui vient rendre compte et donner un sens à l’apparition de la sexualité génitale mature) aide à abandonner l’investissement libidinal (sexualisé) familial de type œdipien (trans-générationnel) au profit d’un investissement sexuel de type homo-générationnel. Ce processus de passage de la famille au groupe social (de pairs) est complexe et fait appel à des fantasmes variés sous la forme de scènes (pubertaire, pédophilique, sado-masochiste…) qui renvoient aux groupes internes. Le fantasme d’auto-engendrement dénie, en même temps, la castration, la scène primitive, la différence des sexes, mais il développe transitoirement ce que nous appelons l’homophilie. Dans ce contexte, l’homosexualité pourrait être pensée comme un avatar de cette homophilie mal surmontée. Pour défendre cette position il est fait référence tant à la clinique (individuelle et de groupe) qu’aux pratiques initiatiques.

Marie-José Del Volgo et Roland Gori : l’éclosion d’une passion homosexuelle et l’échec de son refoulement

Monsieur V. est hospitalisé en psychiatrie et nous l’avons rencontré dans le cadre d’une consultation ouverte dans le service pour accueillir les plaintes corporelles quel qu’en soit le diagnostic. L’événement bouleversant de la vie de Monsieur V., dont le prénom signifie Lavie en français, se déduit de la dévitalisation de dents saines opérée par un dentiste. Dans l’après-coup de cet événement bouleversant, une rencontre fatale avec un homme l’année même où Monsieur V. accède à la paternité d’un fils, ses dires nous mettent sur la voie de ce qui a pu provoquer le conflit psychique et faire échec au refoulement d’une homosexualité irreprésentable pour le sujet tout autant qu’impossible à assumer. Sa passion homosexuelle, méconnue et refoulée, l’a conduit à une déchéance physique et psychique et à des plaintes sinistrosiques constituant un point d’impasse dans une vie sans problèmes jusque-là. Dans la mise en scène de sa parole, ces événements de la rencontre prennent un sens tel qu’ils viennent, en quelque sorte, lui donner de ses nouvelles quant à l’homosexualité évoquée par des paroles paternelles et l’échec de son refoulement.

Marcel Houser : une beauté suspecte ou l’adolescence en question

Il s’agit d’un regard porté, non sans une certaine gravité, sur les relations affectives entretenues entre les principaux personnages mis en scène dans le film de Sam Mendes intitulé American Beauty, et en particulier sur le drame affectif vécu par les adolescents qui se trouvent au centre de l’action. Ces derniers, ballottés identificatoirement entre les adultes de proximité que sont au premier chef leurs parents, paraissent à l’auteur criants d’une vérité très actuelle.

La nature nettement prégénitale des relations pseudo-sexuelles entretenues par les uns et par les autres paraît ici assez évidente. Et il semble clair que l’aspect spéculaire des relations vécues correspond avant tout à une érotisation de nature essentiellement narcissique et phallique, donc à des auto- et à des homoérotismes défensifs, bien davantage qu’à une authentique sexualisation.

L’étude se termine par un bref rappel théorique des principales difficultés rencontrées par tous les adolescents du monde, et probablement de tous les temps, même si les différentes sociétés, forcément changeantes au gré de l’histoire, peuvent induire des formes expressionnelles apparemment spécifiques.

 

Serge Lesourd : émergence de l’homosexualité à l’adolescence ou les gens de la mère

Dans cet article, à partir d’un cas clinique d’homosexualité féminine, l’auteur montre en quoi l’homosexualité adolescente, spécialement la féminine qui a posé question à la psychanalyse, peut être entendue comme une des voies normales de la rencontre de la jouissance du corps dans l’acte sexuel au temps pubertaire. Cela l’amène à poser des questions à propos des effets des discours sociaux sur le passage adolescent, et donc sur la place accordée, dans la modernité et la post-modernité, à l’homosexualité agie, et non “ sublimée ” comme l’écrivait Freud, comme une des formes possibles du lien social.

 

Claude Savinaud : avoir un père

Un des aspects de l’homosexualité d’adolescence se vectorise sur l’axe de la relation au père grandiose. Cette représentation aliénante fige le sujet dans une soumission masochiste conduisant à un auto-érotisme infantile. La nouveauté de l’accession à la puberté s’en trouve déjouée dans ses attendus œdipiens : évitement de la castration, rabattement de la figure symbolique du père dans les jeux de séduction phallique de l’Œdipe négatif. Nous faisons l’hypothèse d’un investissement pulsionnel d’un “ père maternel ” soignant la détresse de l’adolescent, délaissé par la mère, en le séduisant.

Alix Bernard : choix d’objet homosexuel et appartenance à la communauté sourde

Plusieurs observations recueillies au cours d’une recherche menée sur le comportement sexuel des sourds face au sida mettent en avant la fréquence des partenaires entendants chez les homosexuels sourds. À travers l’analyse approfondie du discours d’un jeune homme homosexuel et sourd, nous verrons comment ce choix d’objet peut s’envisager comme une étape du travail adolescens et se comprendre comme une initiation homoérotique qui restaure une image spéculaire phallique.

 

Christian Seulin : remaniements du symbole phallique à l’adolescence

L’adolescence confronte le sujet à l’intégration de son identité sexuelle génitale et à son devenir d’adulte au milieu d’autres adultes. Ces changements ne vont pas sans conduire au remaniement de la symbolique phallique, signe de complétude narcissique dont les supports corporels se référent au corps total et au pénis. En même temps que l’évolution du symbole phallique, s’opère une révision des idéaux qui y sont associés. Les difficultés rencontrées s’accompagnent de mouvements défensifs, en particulier homoérotiques, susceptibles de se fixer. Les modèles d’identification proposés au jeune par les adultes influent de façon importante sur son devenir.