Archives de catégorie : Entre les générations – 2007 T. 25 n°4

Flavigny Christian : récuser la dette pour se l’accaparer

L’adolescence découvre que grandir rend redevable.$Cela demeurait insaisissable pour l’enfant. Mais l’adolescent ne sait pas comment honorer cette dette ; il ne se sent pas les moyens d’être à sa hauteur. D’où la tendance à la récuser, façon à la fois de la pressentir et de la tenir à l’écart ; il en résulte la contestation, qui étire le lien tout en le conservant.

Courty Brice : du poil sous les roses

Du poil sous les roses dilate sur la longueur d’un film le moment de l’émergence pubertaire chez un garçon et chez une fille, du vacillement identitaire et désirant initial, en passant par la labilité des défenses psychiques qu’ils peuvent ensuite mettre en place jusqu’à la résolution de l’inquiétante étrangeté. Leur trajectoire les mènera l’un vers l’autre au terme du périple de la sexuation, c’est-à-dire de l’affiliation à un sexe, mais aussi de la reconnaissance du désir de l’Autre, hors de l’environnement familial. Dans cette transition, la langue de l’enfance est infiltrée par celle de l’adulte, la confusion cède la place à un impérieux travail de traduction. Le regard doit s’armer d’écrans (caméra, microscope) pour filtrer le désir dans le monde, l’autre et soi.

Richard François : la rencontre avec l’adolescent en cure d’adulte dans la clinique psychanalytique contemporaine

Dans cet article les nouvelles formes de contradiction-conflits résultant des changements relatifs à la perception des limites que rencontrent de nos jours les psychanalystes dans leur pratique, sont envisagées du point de vue des notions de travail du négatif et de subjectivation, à partir de cas cliniques présentant à la fois des fonctionnements névrotiques et cas-limites. L’accent est mis sur l’importance de la rencontre avec l’adolescent dans l’adulte, ainsi que sur la nécessité d’analyser après-coup dans les cures d’adultes, la mise en place lors de l’adolescence de systèmes défensifs spécifiques empêchant l’accès aux détresses infantiles primitives. L’hypothèse d’un trouble précoce de l’identification primaire aux fondements de ces fonctionnements amène à souligner l’importance de la reconnaissance par l’analyste de ses propres résistances à son implication subjective dans la rencontre analytique et, à partir de là, à envisager les modalités de l’interprétation et du dispositif. La présentation d’un cas de “ psychanalyse de face à face ” tend à montrer que les nécessaires aménagements de la technique, ainsi qu’un rapport bien problématisé à la théorie, rendent possible un vrai travail psychanalytique avec les patients souffrant de fonctionnements limites.

Turcat Sophie : volver a la vida

À travers un nouveau portrait de son pays, P. Almodovar nous fait découvrir les aléas de la culture du secret. Il met au centre de son histoire différentes femmes d’une même famille tentant de faire face aux problèmes que les hommes leurs ont apportés. Chacune a besoin de comprendre une partie de son passé d’abord caché puis dévoilé. La femme est fascinante, comme les liens qui les unissent au sein d’une même famille. Le passé revient et se reproduit dans leur vie ; le fait de l’affronter les aide à passer des étapes décisives.

Monzani Stefano : l’adolescence, théâtre en trois scènes

L’œuvre théâtrale de B.-M. Koltès illustre plusieurs aspects de la crise de l’ordre symbolique, qui caractérise notre modernité en relation à la scène adolescente. Dans l’œuvre de cet auteur, nous assistons à l’essor du pubertaire vécu comme un traumatisme majeur par la famille, régie notamment par la confusion des générations et par la filiation narcissique. Pris dans une impasse développementale et sans soutien narcissique de la part des parents, le jeune koltésien s’illusionne de pouvoir fonder une communauté a-généalogique avec d’autres “ frères ”, et échapper par là au questionnement de la filiation. Mais à l’extérieur de sa famille il ne trouve que la haine et la violence. Au total, le corps à corps social ne fait que reproduire, en miroir, la violence de la scène pubertaire et celle de la famille incestueuse.

Romano Hélène : avoir mal, se faire mal et mourir

Face à l’inquiétante étrangeté que représente ce passage de l’adolescence, face à ce vécu douloureux de “ non-existence ”, face à ce qui apparaît comme un impossible accès à dépasser son corps et sa psyché d’enfance, l’adolescent peut agir sa souffrance intérieure par des conduites auto-agressives dont l’acte suicidaire est paradoxalement la revendication existentielle majeure. Nous proposons, d’interroger cette position suicidaire et les répercussions chez les adultes d’un acte suicidaire à partir d’un exemple d’intervention auprès d’adolescents et de personnels d’un collège consécutivement au suicide de deux élèves.

Suard Michel : vivre après l’inceste

Cet article présente l’évolution de la situation familiale d’un homme incarcéré pour des crimes sexuels et des trois filles qui ont subi ces relations incestueuses. La thérapie familiale engagée pendant le temps de l’incarcération puis après la sortie en libération conditionnelle a permis, à partir du moment où le père a reconnu les faits, une reconstruction familiale et une véritable réparation des victimes qui ne veulent plus aujourd’hui être considérées comme “ victimes ”.

Cazenave Marie-Thérèse : “ attaques violentes contre les liens ” et contre-transfert

Tenter de construire une relation au sein “ de familles en rupture de liens ” engage le thérapeute à maintenir envers et contre tout une souplesse du contre-transfert afin d’essayer de déjouer les pièges de la répétition. Dans la confusion des projections, le contre-transfert assure chez l’analyste la stabilité de son identité, en dépit des variations parfois brutales auxquelles il est soumis. En donnant du sens à ce qu’il éprouve, il évite les passages à l’acte qui le mettraient hors jeu, évalue la réalité du danger immédiat. Évitant ainsi l’intervention dans l’urgence, il permet que s’amorce une transformation.

Chapelier Jean-Bernard : humour, amour et sexualité dans la culture adolescente

À partir d’un cahier de texte annoté par des adolescents de 4ème, il est montré comment ces derniers entrent dans une problématique d’investissement sexuel de nature objectale à travers différents types de relations, narcissiques, homosexuelles et hétérosexuelles en utilisant le jeu et l’humour. Dans une certaine continuité du folklore obscène des enfants de primaire, les adolescents utilisent le collège comme un lieu d’apprentissage de la sexualité adulte en dehors de la famille devenue impropre à l’investissement objectal sexualisé et des groupes de pairs trop centrés sur l’homophilie.

Le Poulichet Sylvie : excorporation des morts et identification sexuelle

À partir d’une séquence clinique, l’auteur montre l’importance et les modalités de l’événement psychique que représente “ l’excorporation ” d’un mort. Cet événement, surgissant dans le cadre de séances analytiques et susceptible de produire un apparent épisode de morcellement du corps, peut finalement précipiter l’avènement d’un “ Je ” enfin identifié sexuellement. Cette transformation d’une potentialité mélancolique chez un sujet entraîne alors la recomposition du processus associé au “ complexe du Nebenmensch ” (Freud), instaurant les limites entre le corps propre et l’objet, ainsi que l’appréhension de l’identité et de l’altérité.