Archives de catégorie : En guerre – 2001 T. 19 n°2

Maja Perret-Catipovic : l’apport de la clinique psychanalytique aux adolescents victimes de guerre

Est-ce que la clinique psychanalytique peut être pertinente pour aider les adolescents victimes de guerre ? Que reste-t-il d’une spécificité de l’adolescence après des traumatismes graves ? L’auteur tente de répondre à ces questions au travers de trois exemples cliniques d’adolescents dont le fonctionnement psychique était gravement compromis suite à des vécus traumatiques lors de la guerre en Bosnie.

Dominique Agostini : travail de mars et moi médusé

Cet article, centré sur la problématique du processus d’adolescens prisonnier de la mentalité belliqueuse secrétée-secrétant la guerre, développe que le renversement des valeurs inhérent à cette mentalité, est toujours sous-tendu par de profonds clivages entre parties infantiles et adultes, masculines et féminines notamment. Clivages qui, ainsi que les situations de Roch et de Marcel l’illustrent, sacrifient le processus d’adolescens du jeune guerrier sur l’autel phallique.

L’auteur situe l’arme, l’ennemi et l’uniforme comme signes et ingrédients de base et du métier de Mars et de la mentalité belliqueuse ; il conçoit le travail de séparation d’avec la mentalité belliqueuse par rapport au passage de l’arme à l’outil. Passage qui ouvre aux valeurs de force, de créativité et de beauté auxquelles la guerre a substitué horreur et violence – renversement des valeurs. Le rétablissement de ces valeurs, coextensif à la transformation des terreurs en récits, rêves et fantasmes est, tant pour Roch que pour Marcel, passé par l’expérimentation d’une adolescence jusque-là médusée.

Serge Lesourd, Eric Bidaud : un enfant chef de guerre : le meuretre du père “ réelisé ”

À partir d’un travail avec un adolescent pris dans la violence des luttes inter-ethniques, devenu guerrier à l’âge de dix ans, à la suite de l’assassinat de sa famille par l’autre clan, les auteurs interrogent cette mise en acte dans la réalité du meurtre du père et ses effets sur la place du sujet dans le lien social, ouvrant alors aux questions que pose la violence des jeunes de notre modernité comme “ réelisation ” du meurtre du père.

Jean-Claude Métraux : de la victime à l’acteur

Cet article présente une tentative de synthèse du colloque et en souligne les points forts : interprétation des données cliniques et discussion critique des syndromes post-traumatiques ; psychologie de l’adolescent combattant ; problématique surajoutée de l’exil ; réflexions sur les mémoires sociétale et sociale ; tendance usuelle à  la problématique du deuil ; dynamique entre individu et communauté, psyché et société. L’accent sera finalement mis sur un renversement possible de perspective, qui implique parallèlement une redéfinition partielle du rôle du psychothérapeute, citoyen engagé et acteur social aux premières lignes de l’Histoire.

François Lebigot : jeunes militaires français à l’épreuve de sarajevo

Les nouvelles missions de l’armée française (maintien de la paix, interposition), particulièrement éprouvantes psychologiquement, ont montré chez les soldats, les plus jeunes comme ceux qui avaient déjà une carrière derrière eux, une étonnante capacité à dominer leur violence. Les situations qu’ils ont eu à affronter en Bosnie de 1992 à 1995, décrites ici, réunissaient pourtant toutes les conditions susceptibles de conduire ces sujets à des débordements pulsionnels incontrôlables.

On peut en conclure que les jeunes gens qui rejoignent l’armée, au sortir d’une adolescence souvent difficile, sont à la recherche d’une discipline, d’un ordre, d’un idéal qui leur permettent d’accéder à une relation pacifiée avec les autres. Pour ce qui est du lieu et de la période considérés, ils ont souvent payé cher cet apprentissage, et manqué de ce fait une réconciliation espérée avec l’humanité.

 

Yassaman Montazami-Ramade : les noces de sang. adolescents, soldats et martyrs en iran

Suite à l’effondrement des utopies révolutionnaires, les adolescents iraniens développent à travers leur rôle actif en tant qu’engagés volontaires dans la guerre Iran-Irak, une “ culture de mort ” où la recherche d’une identité de martyr se substitue à un processus de subjectivation.

L’idéologie islamiste et le fanatisme de guerre induisent des comportements de repli narcissique qui empêchent ces jeunes d’accéder à la dimension de sexualité adulte et par là de s’approprier un discours au sein d’une société répressive.

À travers le cas clinique d’un ancien adolescent-soldat iranien, cet article tente de montrer comment cette guerre est devenue la seule réponse sous forme d’impasse au processus d’adolescence pour des milliers de jeunes Iraniens.

 

Khapta Akhmedova : le futur brisé

L’auteur aborde à propos d’adolescents en camps de réfugiés leur principale difficulté : l’incapacité de se projeter dans le futur.

“ Lorsque nous avons commencé à travailler avec les adolescents qui ont vécu la guerre, nous avons constaté “ que leur passé ” se limitait à la période du vécu de cette guerre. Nous avons également remarqué que leur imagination concernant le futur était, soit complètement absente, soit traumatisante. ”

Plusieurs observations cliniques argumentent ce constat et permettent trois conclusions :

– ne pas aller trop vite avec les adolescents pour modifier leur image du futur,

–  ne pas créer les images à leur place,

–  ne pas craindre leurs images terribles.