Archives de catégorie : Devant la métamorphose – 2013 T. 31 n°1

Françoise Hatchuel : investir et grandir : des rituels pour étayer le « Je »

À partir d’une définition du « faire grandir » comme modalité de soutien de la capacité à investir, l’article montre, à l’articulation de l’anthropologie et de la psychanalyse, en quoi les rituels traditionnels de passage à l’âge adulte peuvent étayer la constitution du « Je » et comment, lorsque le monde extérieur peine à fournir des certitudes symboliques, des espaces d’élaboration deviennent nécessaires pour assurer cette fonction.

Adolescence, T. 31 n°1, pp. 135-144.

Mathilde Girard : désolation de l’adolescence – métamorphose de la communauté

Ce texte propose d’interroger la place des expériences de l’adolescence à partir d’une réflexion historique et politique sur le sens de la communauté. Si la jeunesse fut toujours en première ligne dans les mouvements d’insurrection et d’émancipation de la civilisation, les désastres du XXe siècle ont imprimé leur marque sur les réalisations humaines et ont profondément perturbé le rapport de l’action au projet et la confiance en l’avenir. La violence de l’acte est en nous, jusque dans les formes extrêmes par lesquelles nous nous protégeons. Imaginer comment se rapprocher de l’adolescence et inscrire ses manifestations dans le rythme plus vaste des générations suppose de reconnaître cette atteinte et cette contradiction au cœur de la communauté, et de prendre soin, à tous les moments de la vie humaine, de la longue métamorphose dans laquelle nous sommes engagés.

Adolescence, T. 31 n°1, pp. 119-129.

Frédérique Gardien : alcoolisations et alcoolisme à l’adolescence : l.o.l. ?

La réticence spécifiquement française à interroger les alcoolisations adolescentes d’une part, un possible alcoolisme de l’adolescent d’autre part, obligent à une réflexion sur la réalité du concept d’économie addictive, lequel ne saurait être confondu avec celui de dépendance à un produit. Dans ces conditions, non seulement l’alcoolisme de l’adolescent ne relève pas d’une construction fantasmatique, mais il nous semble intéressant de questionner ces deux expressions de la consommation d’alcool comme une tentative d’échapper à l’emprise d’un mode de relation trop fusionnelle, ne donnant lieu qu’à la conquête d’une pseudo-autonomisation.

Adolescence, T. 31 n°1, pp. 107-118.

Jean-Pierre Durif-Varembont, Patricia Mercader, Christiane Durif-Varembont : violences en milieu scolaire et banalisation du langage : l’ouverture des médiations de la parole

Les manifestations des souffrances psychiques adolescentes à l’école prennent souvent la forme de violences verbales, la plupart banalisées par les jeunes et décriées par les professionnels. À partir d’une recherche menée auprès de chefs d’établissements cet article interroge la fonction défensive de cette banalisation à la fois comme mise à distance de la force du pulsionnel, expression d’une préoccupation narcissique et traitement psychique de l’effraction pubertaire et de la question identitaire. Les dispositifs d’atelier à médiation sont présentés comme occasion de traiter autrement ces questions, sur un mode plus ouvert à soi et aux autres.

Adolescence, T. 31 n°1, pp. 95-106.

 

Laurent Danon-Boileau : adolescence, comment le langage y travaille ?

L’adolescent cherche à construire une langue qui témoigne de sa révolte. Toutefois, les exigences du code inhérent à tout parler le contraignent à l’organisation de règles sophistiquées dont on aurait tort de croire qu’elles constituent une ruine de la langue classique. Il s’agit d’un travail sur les normes qui interroge les processus de création nés de la révolte et de l’excès.

Adolescence, T. 31 n°1, pp. 87-94.

Laurent Tigrane Tovmassian : agression sexuelle et transformation pubertaire, une potentialisation de l’effraction traumatique ?

Travail autour d’une clinique d’agressions sexuelles vécues à l’adolescence, dans l’effroi et la sidération suite à l’effraction. À partir d’un retour sur la question de la reviviscence propre au syndrome de répétition traumatique post-traumatique l’accent est mis sur l’hypothèse d’une période de latence traumatique. Le processus traumatique alors prédominant mettrait hors-jeu le travail de réaménagement, de liaison, de symbolisation du sujet.

De telles agressions et leur devenir psychique figé mais actif, caractérisé par le retour de l’identique, peuvent-ils être articulés avec les registres fantasmatiques propres à l’adolescence et à la transformation du corps pubertaire ? Ou avons-nous à faire à deux corps étrangers internes œuvrant pour leur propre compte et attaquant le sujet alors pris entre le marteau et l’enclume ?

Adolescence, T. 31 n°1, pp. 77-86.

Jérôme Boutinaud, Philippe Chabert : anorexie mentale et troubles de l’image du corps : à propos de leur prise en compte en psychodrame psychanalytique individuel

Le contexte psychopathologique de l’anorexie mentale chez l’adolescent met au premier plan la prise en compte du corps à la fois dans sa réalité effective, mais aussi au niveau des représentations dont il vient faire l’objet. Un certain nombre de troubles de l’image du corps peuvent dès lors être décrits et pensés comme des formes de solutions symptomatiques au travers desquelles l’adolescent anorexique vient essayer d’assurer des bases narcissiques mal établies et parfois très fragiles. La thérapeutique doit ainsi prendre en compte cette dimension pour permettre la résolution de ces troubles. Le psychodrame psychanalytique, appliqué à une cohorte de patients souffrant de ces troubles, nous servira ici de support méthodologique pour mettre en exergue les éléments de cette problématique. Seront aussi discutés les effets thérapeutiques de l’utilisation de cette technique au travers d’un certain nombre de leviers (analyse des éléments corporels du contre-transfert, dynamique du toucher, utilisation du double et figurations corporelles).

Adolescence, T. 31 n°1, pp. 65-76.

Frédéric Lefévère, Nathalie Guillier-Pasut : mimes et pensées. d’une mise en scène vers une mise en sens

Cet article constitue pour nous l’occasion de présenter et d’interroger un dispositif de médiation corporelle à destination d’adolescents hospitalisés dans une unité de pédopsychiatrie. Il s’agira de montrer comment la proposition d’utiliser des tissus et le mime, comme espace de mobilisation du corps, peut constituer un support à la subjectivation et à la transformation psychique, tout spécialement à cette période-là de la vie.

Adolescence, T. 31 n°1, pp. 49-63.

Cindy Vicente, Philippe Robert : du fantasme de l’enfance « on bat un enfant » à l’acte d’adolescence « je bats mon parent »

Freud aborde le fantasme de fustigation « on bat un enfant » comme faisant partie de la dynamique psychique de tout individu. Il se manifeste à la fin de la période infantile et est issu de remaniements psychiques rythmés par trois phases. Une réécriture de ce fantasme émerge lors de l’adolescence. Frapper le parent est considéré comme la mise en acte de ce que tout adolescent fantasme : « Je bats mon parent ». On comprend que les phases surviennent de façon télescopée, toutes au même moment, portées par la flambée pubertaire. Chacune vient marquer un mouvement différent d’élaboration de la séparation d’avec les figures œdipiennes. La réémergence de ce fantasme à l’adolescence vient déborder le système de pensée, laissant coexister de forts désirs œdipiens tout en punissant un autre de ne pas les avoir arrêtés.

Adolescence, T. 31 n°1, pp. 37-47.

Manon Rivière, Marion Haza : d’un fantasme de gémellité à une anorexie mentale : psychopathologie du double

Partant du suivi thérapeutique individuel d’une jeune patiente de treize ans, Clémentine, nous explorerons les retentissements que peut avoir un lien sororal trop fort, et la façon dont il s’avère parfois être un frein au processus de séparation-individuation. Porté à son comble dans le fantasme de gémellité, il en découle un Moi aux contours imprécis, et une poursuite de la relation potentiellement délétère pour un sujet au narcissisme fragile. Indifférenciation des corps et des appareils psychiques, l’anorexie vient faire éclater cette bulle spéculaire, lorsqu’un seul des sujets atteint une puberté physiologique. Dans l’espace de séparation physique et psychique qu’offre le cadre de l’hospitalisation, les entretiens cliniques nous éclaireront sur les modalités de ce passage d’un double vers un soi, et nous aideront à réfléchir sur les enjeux et les limites de la mise en place d’un travail de subjectivation.

Adolescence, T. 31 n°1, pp. 27-36.