Archives de catégorie : Corps et société aujourd’hui – 2011 T. 29 n°3

François Richard : peut-on parler d’une « société du malaise » ?

Dans cet article la confrontation épistémique entre la psychanalyse et les sciences sociales est reproblématisée à partir du propos d’A. Ehrenberg (et d’autres chercheurs en sociologie) et d’hypothèses sur la spécificité de l’actuel malaise dans la culture. Les idées freudiennes sont menées jusqu’au point où leur subjectivisme introduit paradoxalement à une perspective de renouveau de l’historicité. Les formes actuelles du malaise dans la culture (contradiction entre moralité et cynisme, complémentarité entre individualisme et grégarité, libération sexuelle cachant une insatisfaction, suspension du jugement, prévalence des  fonctionnements en processus primaires, agirs violents, troubles de la subjectivation) sont dépeintes et commentées.

Adolescence, 2011, T. 29 n° 3, pp. 571-582.

Alain Ehrenberg : la société du malaise. une présentation pour un dialogue entre clinique et sociologie

Le « malaise dans la société » est moins un point de départ de l’analyse sociologique qu’un problème à élaborer et à clarifier. L’auteur propose de remplacer l’idée individualiste que la société cause des souffrances psychiques par l’idée sociologique que la souffrance psychique est aujourd’hui une forme d’expression obligatoire, c’est-à-dire attendue, du mal social. Cela le conduit à l’hypothèse qu’avec la santé mentale, on assiste à une généralisation de l’usage d’idiomes personnels pour donner forme et résoudre des conflits de relations sociales. Ces jeux de langage consistent à mettre en relation malheur personnel et relations sociales perturbées à l’aune de la souffrance psychique, unissant ainsi le mal individuel et le mal commun. À partir de là, il développe l’hypothèse que, brouillée dans le malaise, se joue une crise de l’égalité à la française, c’est-à-dire d’une égalité conçue essentiellement dans les termes de la protection, et une protection en termes de statut, sur le modèle de la fonction publique, alors que l’égalité d’aujourd’hui, et donc la lutte contre les inégalités sociales, se joue dans les termes de la capacité.

Adolescence, 2011, T. 29 n° 3, pp. 553-570.

Philippe Gutton : introduction

Reprendre les thèses de La Société du malaise (2010) dans le champ de l’adolescence et de la jeunesse est l’objectif de cette journée de travail avec A. Ehrenberg. L’individu doit non seulement s’appuyer sur ses capacités personnelles, compétence en particulier, mais sur « sa subjectivité, son intériorité ». « La subjectivité individuelle (“ libérée ”) est sur le devant de la scène. »

Nous proposons à la méthodologie de l’auteur de faire appel non pas exclusivement aux pathologies de caractère comme cela lui est habituel mais à l’adolescence en tant qu’ensemble processuel de création et, haut lieu bien connu d’individuation narcissique. Comment le double mouvement solidaire de désinstitutionnalisation des rapports sociaux et de psychologisation fait-il souffrir, peut-être de façon exemplaire, les adolescents en leurs normalités supposées et en leurs pathologies contemporaines ? Comment cette évolution change-t-elle la jeunesse en retour ?

Adolescence, 2011, T. 29 n° 3, pp. 545-551.

Rémy Potier : vérité et illusion des approches croisées entre psychanalyse et neurosciences. entretien avec roland gori

Les approches croisées entre neurosciences et psychanalyse sont de plus en plus défendues sur le plan méthodologique. À l’occasion de ce numéro de la revue Adolescence, Rémy Potier interview Roland Gori à propos de l’heuristique de ces nouvelles recherches. La rigueur conceptuelle semble souvent faire défaut à ces approches qui ne se soucient pas suffisamment de la polysémie des concepts comme des enjeux sociaux-historiques.

Adolescence, 2011, T. 29 n° 3, pp. 531-544.

Lisa Ouss-Ryngaert : l’agir comme processus ?

L’auteur insiste sur quatre points évoqués par J. Dayan, B. Guillery-Girard. Le premier concerne le renversement des conceptions de l’adolescence vers un modèle téléologique. Le second propose une nouvelle lecture des signes cliniques : une conception de l’agir non comme un symptôme, mais comme un processus structurant. Le troisième concerne la manière dont on peut penser l’articulation entre neurosciences et psychanalyse. Le dernier aborde l’édification d’un nouveau cadre pour la psychopathologie. D’une place du « tout neuroscientifique » dans la psychologie du sens commun à l’ouverture théorique féconde, ces interactions ne laissent pas de nous questionner.

Adolescence, 2011, T. 29 n° 3, pp. 517-526.

Jacques Dayan, Bérangère Guillery-Girard : conduites adolescentes et développement cérébral : psychanalyse et neurosciences

Constatations empiriques, enquêtes épidémiologiques, clinique psychopathologique et neurosciences confirment la spécificité de certains comportements à l’adolescence : impulsivité, recherche de sensations et comportements à risque.

Ces comportements plus fréquents entre quinze et vingt-cinq ans sont contemporains d’une réorganisation cérébrale majeure qui affecte électivement le cortex préfrontal. La découverte des caractéristiques anatomiques et fonctionnelles du remaniement cérébral permet la mise en perspective des neurosciences et de la psychanalyse. Deux conceptions de l’adolescence s’expriment tout à la fois dans ces deux champs. L’une de ces conceptions dresse le tableau d’un adolescent aisément débordé par le pulsionnel (en psychanalyse) ou par l’émotion (en neurosciences) : dans le premier cas, il est postulé un défaut de mentalisation, dans le second, un défaut de contrôle du cortex préfrontal encore immature sur le cerveau limbique (émotionnel). L’autre conception, que nous soutenons, consiste en ce que le déséquilibre relatif entre émotion et cognition au cours de cette période, permet par le biais de l’expérimentation sociale, y compris « impulsive », une adaptation fine de la structure, de la connectivité et de la fonctionnalité des régions préfrontales. Dans une perspective évolutionniste, les modifications tardives de ces régions cérébrales, les dernières à se développer tant sur le plan de la phylogenèse que de l’ontogenèse, permettent non seulement la transition vers l’âge adulte, mais aussi une adaptation aux changements de valeurs opérés d’une génération à l’autre. La présentation d’approches croisées entre neurosciences et psychanalyse conduit à des remarques d’ordre épistémologique.

Adolescence, 2011, T. 29 n° 3, pp. 479-515.

Bernard Golse : à propos du concept de neuro-psychanalyse

L’auteur réfléchit à propos des fonctionnements adolescents sur le concept de neuro-psychanalyse. Il en reprend rapidement la trajectoire historique et revient sur trois paradigmes du cinquantième Congrès des Psychanalystes de Langue Française des Pays Romans (1990) : la théorie des catastrophes et du chaos, le concept d’auto-organisation.

Adolescence, 2011, T. 29 n° 3, pp. 467-477.