Archives de catégorie : Commencer sa vie d’adulte – 2000 T. 18 n°2

Anouk Driant : « En attendant l’adulte »

On peut penser que les difficultés, voire les impossibilités que les jeunes psychotiques rencontrent pour mettre en place leur vie d’adulte découlent du fait que des moments-clé du développement psychique ont échoué. Chez eux, la temporalité devient alors une étendue sans fin, plutôt qu’une trame où viendraient s’inscrire des étapes vivantes, structurantes, qui permettent de grandir.
Une prise en charge psychothérapique, au sein de soins institutionnels intenses, pourra-t-elle remobiliser les éléments nécessaires à cette maturation/maturité ?

Michèle Emmanuelli : la nostalgie à l’épreuve du temps

Devenir adulte impose la confrontation au second temps du conflit œdipien, dans une séquence qui implique la prise de distance avec les premiers objets d’amour et de haine. De la qualité du travail psychique sur le lien aux objets, tout au long des étapes qui vont de la latence à la post-adolescence, dépend l’issue de l’accès à l’âge adulte et aux processus de sublimation. Une recherche portant sur l’élaboration de la position dépressive à l’adolescence, à partir du Rorschach et du TAT, montre que cette élaboration ne devient possible qu’à partir de la grande adolescence.

François Richard : le processus d’adolescence à l’âge adulte : le cas de la femme léopard

À partir d’un cas de cure psychanalytique de jeune adulte, cet article cherche à cerner les caractéristiques du passage, au-delà de l’adolescence, vers la vie d’adulte. Il s’agit d’une patiente de structure hystérique comportant une dimension psychosomatique et une propension à l’agir. La cure permit le développement après-coup d’un processus d’élaboration du pubertaire jadis empêché. La façon dont la multiplicité des pulsions partielles prégénitales infantiles peut être ressaisie dans une synthèse génitale « polyphonique » est étudiée. La subjectivation adulte se nourrit de la proximité du sexuel infantile, la meilleure façon d’éviter une structuration adulte défensive et inauthentique serait donc de tolérer en soi tout une part d’enfance et d’adolescence.

Blandine Foliot : un certain désenchantement

Commencer sa vie d’adulte représente un véritable tournant psychique qui met le moi à l’épreuve d’un certain désenchantement, à celle de la perte d’un objet d’amour infantile. L’expérience du rêve exerce à cette période singulière, une fonction essentielle s’offrant comme une voie intérieure, la voie royale vers un retour à des sources pulsionnelles et inconscientes; celle d’un dégagement dépressif.
Des pensées ou motions de pensées censurées le jour, se visualisent en rêve, l’expérience autorisant sous couvert d’une certaine déformation, leurs transposition en images qui sous le coup d’une nouvelle transformation par leur mise à jour au réveil vont se redistribuer, s’insérer au moi et à la vie psychique dont ils élargissent les limites

Dominique Agositini : du divorce interne : impasse et dépassement

L’auteur explorera, au travers du matériel clinique d’une thérapie, d’une part l’impact de l’avènement pubertaire sur l’internalisation, bien avant la puberté, de parents profondément désunis. D’autre part, les transformations qui, vectorisées par le processus thérapeutique, président à la réconciliation des parents internes. L’auteur développera que cette réconciliation féconde le processus d’adolescence et en favorise son aboutissement, la capacité de commencer sa vie d’adulte.
L’exposé clinique accordera une attention toute particulière aux séparations des vacances. Vacances qui, pour les parties infantiles, représentent toujours les rapports sexuels des parents, la grossesse de la mère. Le matériel illustrera que ces ruptures du cadre thérapeutique réveillent, avec le divorce interne, des « terreurs sans nom » en collusion avec le fantasme des « parents combinés ». Divorce interne et parents combinés apparaîtront comme obstacles majeurs à l’entrée dans la vie d’adulte.

Alain Braconnier : commencer sa d’adulte par une analyse

Les facteurs qui différencieraient les spécificités de l’intrapsychique et de l’interpersonnel du « jeune adulte » par rapport à celles de « l’adolescent » pourraient-ils être éclairés par la question suivante : proposer un traitement analytique avec un « jeune adulte » diffère-t-il d’engager un traitement analytique avec un « adolescent » ? L’un devrait-il bénéficier d’une cure analytique « classique », l’autre pas ? Si oui, quels en sont les arguments ?

Phillippe Jeammet : être adulte ou comment gérer la place de l’infantile

La rapidité des changements sociaux actuels nous obligent à nous interroger sur ce qui fonde l’entrée dans la vie adulte. Etre adulte apparaît davantage comme une modalité de fonctionnement psychique, sujette à des fluctuations, que comme un état. Ce mode de fonctionnement ne réfère pas tant à un idéal absolu qu’aux potentialités d’un sujet donné dans un contexte donné. Il résiderait dans cette capacité du Moi d’accueillir et d’être en contact avec ce qui demeure en chacun d’infantile sans en être submergé et menacé.

Jean Guillaumin : y a-t-il une post-adolescence ?

L’auteur soutient dans cette étude que la post-adolescence, structurellement nécessaire au devenir de l’être humain (quoique différemment traitée, niée, inhibée, captée ou laissée à elle-même selon les sociétés), est une phase spécifique du devenir de l’individu. Franchement distincte, pour peu qu’on y prête attention, et de l’adolescence, dont elle n’est pas une sorte de traîne, et de la maturité dite adulte, elle a ses propres critères et limites. La post-adolescence a un commencement, plus ou moins repérable mais certain : il correspond à la mise à mort désormais sans espoir, par l’effet psychique des conquêtes corporelles et mentales qui accompagnent l’adolescence, des objets parentaux idéalisés, naguère intériorisés sur un mode incorporatif par la latence anté-pubertaire. Elle a une économie propre dont les processus sont bien particuliers (et très observables dans notre culture), et un  but inconscient précis : il s’agit d’une sorte de deuil qui peut aussi être considéré comme une forme originale de latence ordonnée à l’introjection profonde des objets parentaux perdus, maintenus sous contrôle à la périphérie du Moi par des mécanismes et comportements sociaux remarquables qui ne relèvent de la pathologie que lorsqu’ils décompensent. Enfin la post-adolescence a aussi un terme, souvent assez rapide même quand elle a été longue (elle peut s’étendre sur près d’une décennie dans notre civilisation) : ce terme exige l’entrée d’impacts traumatiques nouveaux mais d’un genre au total banal et inévitable, liés à diverses situations violentes conjoncturelles, au décès de parents ou de proches, ou aussi parfois à des cristallisations amoureuses. Ces impacts traumatiques ont pour fonction en quelque sorte « naturelle » de remettre en cause le suspens intrapsychique imposé aux objets perdus, et d’ouvrir la voie à des introjections décisives. La prise en compte de la spécificité et des exigences propres de la post-adolescence apparaît à l’auteur de la plus grande importance dans le tournant que prend aujourd’hui notre culture. Cela, bien que beaucoup de questions continuent de se poser sur les rapports de cette phase du devenir avec le déroulement de l’histoire antérieure et des crises de vie ultérieures du sujet.

Elise Pestre : les roses noires : fabriquer une langue pour créer un espace intermédiaire ? Plurilinguisme et identités en construction à l’adolescence

Le documentaire Les roses noires met subtilement en scène les rapports complexes d’adolescentes, issues des « quartiers nord » des grandes métropoles, à leur langue, et à leur sexe. Si cette langue provocatrice agit parfois comme un facteur d’évincement social, elle a également le pouvoir de renforcer le lien entre pairs et de permettre au sujet de composer avec ses identités plurielles. À l’intersection de la différence des sexes, des âges de la vie et des territoires divers – culturels, psychiques et politiques –, l’usage de cette langue métissée ouvre à la création d’un espace intermédiaire, situé entre les langues et entre les lieux.

Adolescence, 2014, 32, 1, 211-223.