Tous les articles par Admin

Jacques Vargioni : Père ne vois tu pas que je saigne ?

L’analyse des mouvements transféro contre-transférentiels de la cure d’une femme obèse permet de mettre en lumière la place centrale d’un événement pubertaire traumatique dans la constitution d’un symptôme boulimique à l’adolescence. Les impasses imposées par cette expérience, après-coup de l’infantile, barrent la possibilité pacificatrice du refoulement conduisant à un renversement/retournement de la pulsion. Ce destin pulsionnel organise une forme mélancolique des scénari originaires dans lesquels le sujet est fautif. C’est alors le corps, comme support du Moi et de l’objet incorporé, qu’il s’agit à la fois d’attaquer et de préserver. Le gavage, mouvement centripète du dehors vers le dedans a également pour but de s’opposer à une fantasmatique de vidage et de séduction potentielle figurée dans le saignement des règles.

Adolescence, 2008, T. 26, n°4, pp. 977-989.

Ferruccio Bianchi : La difficulté à devenir femme : une connaissance acquise auprès des adolescentes anorexiques

L’auteur considère que les difficultés que rencontre l’adolescente anorexique à devenir femme constituent les manifestations symptomatiques graves d’un processus de féminisation qui pourrait être commun à tous les enfants de sexe féminin. La future anorexique aurait constitué en tant que fillette, un système de faux-self qui entre en crise lors de la puberté. L’anorexie, processus anti-évolutif entraînant un risque de mort psychique et physique, est une forme de psychopathologie qui recèle aussi un désir inconscient d’émancipation et de subjectivation.

Adolescence, 2008, T. 26, n°4, pp. 959-975.

Catherine Chabert : De l’acte à la scène. Le psychodrame avec les adolescents

À partir d’une critique du terme « conduites addictives », l’auteur propose une réflexion métapsychologique centrée sur la compulsion de répétition et sur ses effets à l’adolescence, plus précisément dans les pathologies anorexiques. L’étude clinique du processus thérapeutique déployé au psychodrame dans le traitement d’une adolescente gravement anorexique, s’articule autour de constructions théoriques à propos de la dialectique des perceptions internes et externes. La question essentielle se pose quant au surinvestissement des perceptions externes – constitutif du narcissisme – au détriment  des perceptions internes. Celles-ci sont considérées comme intrinsèquement liées aux affects qui constituent la « matière  première » du transfert.

La seconde partie de l’article est consacrée au psychodrame analytique, à son intérêt et à ses fonctions, en de telles situations : fragmentation du transfert, jeux de doubles, et mise en mots des affects offrent autant de moyens pour traiter la violence  pulsionnelle dans la mesure où la méthode assure la liaison entre les images et les mots, lorsque les affects sont barrés, emprisonnés voire étouffés. Ainsi le psychodrame trace le chemin de l’expérience effective de l’effondrement, dans son double versant, témoin de la détresse originaire et de la solitude œdipienne.

Adolescence, 2008, T. 26, n°4, pp. 941-957.

Anna Maria Nicolò : Une ou plusieurs anorexies

L’auteur observe que, sous la dénomination unique d’anorexie, il existe en réalité des structures de la personnalité et des tableaux psychopathologiques différents. Elle décrit également l’évolution de la composante anorexique chez une femme adulte, traitée par l’analyse après avoir apparemment surmonté le symptôme et la dynamique anorexiques.

Adolescence, 2008, T. 26, n°4, pp. 925-940.

Christian Mille, Daniel Sibertin-Blanc : De « l’adolescent inconsommable » à « l’adolescence inconsommable »

Un tel titre, pour le moins énigmatique, impose le recours au dictionnaire pour en dégager quelques significations potentielles. En s’appuyant sur les différentes définitions proposées, quelques axes de réflexion se dégagent pour les praticiens qui essaient parfois vainement d’attirer et de fidéliser les adolescents dans leurs « fonds de commerce ». Il existe bien une expression clinique de « l’adolescent inconsommable », tout du moins jugé comme tel par ses proches et qui se soustrait pareillement à toute forme d’appétence psychothérapique à son égard. La fantasmatique du sujet/objet consommable qui sous-tend cette stratégie d’évitement mérite d’être explorée. Dans les situations les plus préoccupantes, elle vient trahir une adolescence inconsommable par refus du corps sexué ou du devenir adulte. La question ultime étant celle du dispositif psychothérapique tolérable pour un adolescent sur ce registre.

Adolescence, 2008, T. 26, n°4, pp. 861-876.

Daniel Sibertin-Blanc, Christian Mille : l’adolescent inconsommable face au désir parental de le consommer…

L’adolescent inconsommable concerne une population nombreuse d’adolescents en prise avec des parents qui abusent de leur pouvoir en les exploitant au point de nier leur statut de sujet. Parmi ces adolescents beaucoup sombrent dans des conduites autodestructrices pour épargner leurs parents auxquels s’adresse fondamentalement leur violence. D’autres échappent à cette contrainte et parviennent à préserver le processus de subjectivation. Ils indiquent que des solutions sont possibles pour aider les premiers à devenir inconsommables.

Adolescence, 2008, T. 26, n°4, pp. 851-859.

David Le Breton : Consommer l’absence : vertige de la blancheur

La blancheur est une forme de démission de soi, une volonté de s’effacer d’une existence qui n’est plus là que par une sorte de pesanteur. L’indifférence à soi suscite l’exposition à un danger qui n’est plus perçu comme tel car le jeune ne s’habite plus tout à fait. Forme inconsciente d’une volonté, moins de mourir que de ne plus être là. Elle témoigne de l’impossibilité d’être un individu et de s’investir comme sujet de son existence. Les techniques de blancheur sont des tentatives de se débarrasser de soi pour ne plus supporter les pressions d’une identité intolérable.

Adolescence, 2008, T. 26, n°4, pp. 841-849.

Sophie De Mijolla-Mellor : Le fantasme de pygmalion

L’objectif de cet article est de tenter de faire lien entre la relative banalité du fantasme d’emprise qu’illustre le mythe de Pygmalion et la folie du prédateur pédophile captivé par des traits minimes qu’il esquisse au passage de certaines pré-adolescentes. Il va se donner un droit parfois illimité sur cet objet qui incarne son fantasme mais celle sur qui tombe son choix n’a pas d’autre réalité pour lui que l’apparence qu’il lui donne. Elle devient un fétiche vivant qu’il va modeler à sa manière et dont la fonction principale est de lui permettre de continuer à ignorer sa haine des femmes et sa rivalité indépassable avec la mère qui, elle, peut mettre au monde des enfants.

Ce texte réunit plusieurs perspectives hétérogènes : la question esthétique du lien entre le créateur et son œuvre, la question psychosociologique et historique interrogeant la norme générationnelle dans la relation amoureuse, et surtout la question psychopathologique, éthique et juridique

Adolescence, 2008, T. 26, n°4, pp. 817-840.

René Kaës : définitions et approches du concept de lien

La problématique du lien intersubjectif ne coïncide pas avec les concepts de liaison intrapsychique, d’identification et de relation d’objet. Du point de vue psychanalytique, la consistance du lien est la réalité psychique inconsciente spécifique construite par la rencontre de deux ou plusieurs sujets. En termes de processus, le lien est le mouvement plus ou moins stable des investissements, des représentations et des actions qui associent deux ou plusieurs sujets pour la réalisation de certains de leurs désirs ou la mise en œuvre de défenses communes. Distincte de celle qui organise l’espace intrapsychique du sujet singulier, la logique du lien est celle des implications réciproques, des inclusions et des exclusions mutuelles. L’auteur définit les exigences de travail psychique rendues nécessaires pour établir un lien. Il dégage les enjeux épistémologiques d’une « troisième topique », entendue comme celle de l’intersubjectivité dans ses rapports avec l’espace interne des sujets du lien.

Adolescence, 2008, T. 26, n°3, pp. 763-780.

Caroline Goldman : l’adolescent surdoué

Cette réflexion est relative au passage entre enfance et adolescence, et postule que l’expérience de la puberté met à mal le surinvestissement intellectuel défensif de la latence. Je m’attends à ce que le surdon, fondé sur une dépression infantile toujours active, ne permet pas chez l’adolescent surdoué l’installation des digues psychiques évoquées par Freud, qu’il ne consiste qu’en une parade narcissique s’effondrant avec l’arrivée des émergences pubertaires.

Adolescence, 2008, T. 26, n°3, pp. 749-762.