Tous les articles par Admin

Serge Hefez : Adolescence et sida : líimpossible transmission

La plupart des interrogations formulées par les adolescents séropositifs participant à notre groupe de parole concerne le secret qui entoure les contaminations. Ce secret est générateur de clivages et de dénis qui protègent dans un premier temps líadolescent comme líensemble de sa famille ; il se transforme cependant rapidement en un attracteur qui aspire les investissements émotionnels, qui structure un pôle vers lequel convergent les résistances du discours, et qui cristallise le dispositif défensif en une figure organisatrice de répétition et díhoméostasie. Les mécanismes du désaveu et de sa transmission ont beaucoup été étudiés sur le plan transgénérationnel. Les situations de groupes ou d’entretien familial portent cependant notre attention sur díautres mécanismes, à savoir les processus et les formations psychiques impliquées dans les dynamiques intergénérationnelles.

Adolescence, 1999, T. 17 n°2, pp. 30-40.

Françoise Weil-Halpern : Devenir adolescent dans une famille touchée par l’infection vih.

L’irruption du VIH dans le champ pédiatrique a bouleversé la vie et l’avenir d’une famille. Elle a pris à contre-courant les progrès dans le domaine de la connaissance des conséquences des séparations, de la maladie, de la mort d’un enfant ou des parents. Elle nous a obligé à reconsidérer les notions telles que le concept de vie : désir d’enfant, donner la vie, élever, protéger, guider, maintenir en vie, aider à vivre, à mourir. La mère, un des enfants, parfois le père, livrent un combat sans merci, contre la maladie, la discrimination, l’isolement, le secret, la souffrance, la peur de la mort. Face à ce séisme, l’auteur s’est demandé ce que ressentent, deviennent les enfants infectés ou non à l’adolescence. À travers des histoires d’enfants, l’auteur tente de montrer leur sort tragique. Comment survivent-ils à cette hécatombe ? Comment se fait ou non le travail de deuil ? Quels souvenirs gardent-ils ou sont-ils autorisés à garder de leur mère, de leur père ? Quelle histoire construiront-ils ? Qu’en est-il de la culpabilité  ? Autant de questions pour lesquelles il n’y a pas toujours de réponse. Les récents progrès dans le domaine thérapeutique ont apporté des changements qui sont autant d’espoirs que de souffrance.

Adolescence, 1999, T. 17 n°2, pp. 17-29.

Jean-François Chiantaretto : L’écriture de soi à la puberté : une approche théorico-clinique

Anne Franck a écrit puis réécrit son journal, la réécriture ayant été interrompue par la déportation et la mort dans un camp nazi. A partir de ces deux versions, l’auteur rend compte de l’évolution chez Anne du discours sur soi, en plein passage pubertaire et du rôle du journal dans l’expérience de soi en changement. Le journal est ici pensé comme contenant, comme lieu d’un travail (mémoriel et de renoncement) mais aussi comme le lieu d’incarnation d’un témoin.

Marielle Sœur : Hallucination négative de l’environnement d’écriture et d’investissement du latéral chez l’adolescent

Chez les adolescents dont le système pare-excitation est défaillant, l’écriture ne peut plus remplir sa fonction économique. Certains patients décrivent avec minutie l’environnement dans lequel ils écrivent, puis l’hallucinent négativement pendant une longue période: cet environnement figure dans la réalité externe les traces mnésiques des modalités de défaillance du pare-excitation maternel repéré d’abord dans la qualité des premiers échanges avec la mère. Cette figuration contient en puissance l’interprétation à venir. Parfois ce phénomène se double d’un investissement latéral du transfert sur le cadre. Tant que la question économique et le risque de décompensation restent majeurs, cet étayage est à respecter jusqu’à ce que le temps de la représentation apparaisse.

Bernard Golse : en matière de santé mentale à l’inserm : les expertises nouvelles sont arrivées

Les expertises en matière de santé mentale effectuées à l’INSERM ont donné lieu à bien des débats et posé de graves problèmes. L’auteur plaide pour que le modèle (pédo)psychiatrique conserve une place originale et présente les nouvelles ouvertures proposées en ce sens pour l’élaboration des futures expertises collectives de l’INSERM.

Claude Savinaud : Passion du symbolique

A partir du constat clinique que certaines pathologies narcissiques d’adolescence achoppent sur la réalisation d’un investissement libidinal du fait de l’amour-haine portée sur une figure paternelle grandiose et obscène, l’auteur développe l’idée d’un type d’investissement passionnel de la dimension symbolique dépassant le représentant imagoïque déchu au profit d’une parole identifiante, créatrice, qui vise un au-delà de l’objet. Cet investissement revêt les caractéristiques d’un  » état amoureux  » avec le dessaisissement du sujet et l’idéalisation de l’autre au-delà de toute satisfaction.

Gérard Bonnet : les idéaux à l’adolescence

On met souvent la crise adolescente telle qu’elle se manifeste aujourd’hui dans les banlieues sur le compte d’une « maladie d’idéalité ». L’auteur montre qu’il s’agit moins d’un manque, que d’un trop d’idéaux matériels qui empêchent l’adolescent d’adhérer à des valeurs universelles facilitant son insertion. Pour montrer comment une évolution est possible, il analyse le film des frères Dardenne, La promesse, où l’on peut suivre pas à pas cette évolution et en analyser les différentes composantes. Il situe cette évolution dans le processus de conversion au sens large et souligne le rôle majeur joué par la référence à l’imago maternelle.

Christophe Rubin : Le rap adolescent : du démantèlement d’un rythme et d’un discours à l’hyper-extension d’une représentation vocale du sujet

Le rap met en œuvre des processus d’altération de la langue et de la voix, tout comme le passage de l’enfance à l’adolescence. Ainsi, certaines transformations physiologiques et psychologiques peuvent êtres mises à distance, masquées par les jeux linguistiques et vocaux du rap.

Un texte comme  » Poison juvénile « , du groupe Movez’ Lang, peut en effet apparaître comme la mise en scène verbale d’un  » changement de peau  » : tout se passe comme si les rappeurs voulaient démembrer une prosodie, un discours, une représentation de soi propres à l’enfance, pour imposer rythmiquement et métaphoriquement une représentation vocale sur-dimensionnée – recouvrant très largement, dans ses excès et dans son caractère volontairement stéréotypé, la voix et la parole particulières du sujet.

Cela constitue donc bien une manière d’envelopper, de voiler la subjectivité individuelle, dans un jeu à la fois pudique et suggestif.

Béatrice Mabilon-Bonfils : la république et la « question scolaire » : quelle légitimité pour une école en crise ?

La laïcité, corrélée au projet méritocratique, a été l’instrument d’une construction politique d’un Mit-sein aujourd’hui en crise. Cette laïcité comme principe de gouvernement raisonnable des hommes, n’a exclu ni les solutions violentogènes, ni les représentations naturalistes des trajectoires scolaires Or, l’École est aujourd’hui confrontée au « temps du pluriel », à une demande croissante de pluralité culturelle et cultuelle. Et cette École démocratique massifiée, sous son apparente neutralité sociale et politique que signe l’idéologie laïque, renverse le rapport au sentiment d’injustice sociale : plus l’École est en apparence ouverte au plus grand nombre, plus l’échec scolaire est perçu comme production singulière des individus, d’où ce sentiment récurrent de déshonneur individuel, voire même familial et social. Ce cas d’école est à saisir au travers du prisme du déni du Politique par l’institution scolaire. La question scolaire est aujourd’hui selon nous, nourrie d’inégalités sociales, sexuelles et ethniques face à l’Institution elle-même.