Tous les articles par Admin

Gérard Bonnet : pour l’amour du sexe

On ne peut pas aimer les autres si l’on ne commence pas par s’aimer soi-même, ce que la psychanalyse traduit d’une autre manière en rappelant que le narcissisme est un préalable indispensable à toute relation. On peut dire la même chose à propos du sexe proprement dit. Le sujet humain ne peut pas aimer le sexe de l’autre, et donc affronter la différence qu’il représente à tous les niveaux de l’existence, s’il ne commence pas par aimer et investir son propre sexe à la fois comme objet génital, pulsionnel et idéal. Cela suppose qu’il soit provoqué et reconnu par l’adulte, et qu’il garde aussi la possibilité de se dégager régulièrement de cette emprise de façon à s’affirmer à partir de son propre désir.

Serge Lesourd : Un nouvel objet du fantasme ?

Le sida s’inscrit comme un retour de la mort dans la sexualité, après la fulgurance du tout jouissance des années de la  » libération sexuelle « . Il vient marquer le passage à la sexualité génitale adolescent d’une tonalité différente qui n’est pas sans évoquer celle des adolescentes freudiennes, Dora en particulier. Ce retour de la mort dans le sexuel génital explique les nouveaux comportements sexuels des adolescents (fidélité, des bébés-couples, viols collectifs) mais teinte aussi toute cure d’adulte d’un rapport au couple et à l’amour différent, faisant du sida un réel objet du fantasme.

Adolescence, 1999, T. 17 n°2, pp. 87-91.

Jacqueline Schaeffer : peur et conquête du féminin à l’adolescence dans les deux sexes

Le surgissement du féminin érotique lors de la puberté est ce qui fait effraction à l’adolescence, pour la fille comme pour le garçon.

L’adolescent, fille ou garçon, doit s’arracher à la séduction et à l’emprise maternelle qui tend à l’indifférenciation, pour s’orienter vers la séduction et l’identification paternelle, dans un nouveau travail d’accès à la différenciation des sexes masculin-féminin, qui peut être nommé “ travail de féminin ”, et qui mène à la rencontre érotique et amoureuse.

La séduction paternelle agit dans un après-coup, qui réorganise la séduction précoce maternelle. Elle possède les deux caractères d’être effractrice, au sens de la rupture, parfois traumatique, mais également nourricière, au sens de la restructuration. Elle est donc initiatique et amorce le changement d’objet. Entre les deux peut se produire une opération difficile d’appropriation du corps et de la sexualité par un passage d’autoséduction pulsionnelle. La fonction de double du thérapeute en permet l’élaboration.

Yvon Brès : solitude : bouderie

Les souffrances de la solitude, qu’on lie en général à l’isolement, mais qui sont aussi de nature dépressive, pourraient être rattachées à cette conduite – infantile et adulte – de bouderie, laquelle consiste à feindre certains types de souffrance afin d’exercer un chantage sur autrui.  La bouderie a des effets physiologiques nocifs ; elle comporte aussi des bénéfices secondaires (particulièrement visibles chez le Rousseau des Rêveries du promeneur solitaire) ; elle risque enfin de déclencher des refoulements entraînant la disparition de son sens et transformant une conduite « voulue » en un ensemble de symptômes subis. La restitution du sens originaire de cette conduite pourrait fournir des arguments à une psychanalyse qui insiste sur la dimension du « sujet ».

Monique Schneider : retour au père et déni du féminin

Le texte biblique de L’enfant prodigue traitant de la relation père-fils permet de le situer dans divers champs mythiques, notamment celui de la psychanalyse. Comme le christianisme et la culture indo-européenne, le thème de Don Juan au XVIIe siècle vient faire rupture et introduire du nouveau dans l’ordre de la transmission. Le “ foyer de nuptialité ” émerge avec le retour du féminin, dans la figure d’Abraham, à la fois masculin et féminin.

Moses Laufer : Maltraitance sexuelle ou structure délirante ? de l’adolescent au jeune adulte

 L’auteur décrit la cure d’une patiente adolescente qui rapporte avoir été abusée sexuellement par son père durant l’enfance. Au cours de la cure, l’analyste se mit à douter de la véracité d’un tel souvenir. Au fur et à mesure que l’analyse avançait, l’analyste eut l’impression que les réponses de la patiente à ses interprétations renvoyaient de plus en plus à une structure délirante. Lorsque la patiente eut l’impression que l’analyste avait des doutes sur ses souvenirs, ou n’était pas de son côté, elle interrompit brusquement la cure. Elle resta dès lors une jeune femme extrêmement vulnérable. La structure délirante contenait le besoin sexuel de la patiente de détruire toute potentialité de puissance masculine, ce qui représentait pour elle le mécanisme de défense à mettre impérativement en place contre son propre désir pour la mère œdipienne qui, dans la réalité, avait quitté la patiente pour se remarier.

Adolescence, 1999, T. 17 n°2, pp. 71-83.

Philippe Gutton : solitude et désolation

Article théorique. La solitude est définie comme un affect qui exprime l’écart, ou la limite, entre les objets externes et les objets internes suffisamment bon pour permettre l’activité créatrice d’un sujet. Cet écart est justement critique à l’adolescence. La désolation est le vide interne de la psyché ne trouvant pas dans l’environnement de traces pour sa créativité ; la désolation serait la base des processus psychotiques de modalités dépressive, hallucinatoire et paranoïaque.

Bruno Deswaene : Adolescence et catastrophe

L’adolescence constitue une temporalité spécifique qui bouleverse le développement ontogénétique de l’être. En ce sens, elle est une catastrophe morphogénétique qui doit être assimilée par le sujet. En tant qu’étape structurellement fondamentale sur le plan psychique, elle tient compte des expériences et des points de rupture antérieurs. Cependant, la souffrance ne rime pas systématiquement avec rupture ou crise, bien quíon lui attribue généralement un caractère mortifère. La rencontre préalable et précoce avec le sexuel dans le cadre d’un attentat sexuel survenu à la période de latence modifie le déroulement classique de l’équilibre psychique. Sur le plan social, ce vécu expérentiel initial engage une perception spécifique de nature catastrophique et inscrit, le plus souvent, le vécu dans une vision destructrice, c’est-à-dire modifiant l’ensemble des éléments que constitue la stabilité psychique du sujet. Cependant, l’appropriation de cette expérience du sexuel comme expérience de vie ne serait pas à concevoir comme un processus d’involution ou de barrage de l’évolution psychique, mais serait à réfléchir comme une étape à prendre en compte dans le déroulement successif des catastrophes inscrites dans l’ontogenèse humaine, connotant, de ce fait plus particulièrement la phase de l’adolescence qui constitue un temps singulier dans la révélation de l’attentat sexuel. Celle-ci se révélerait alors être un moment de personnalisation par le sujet de ce qui est pour lui une catastrophe intime.

Adolescence, 1999, T. 17 n°2, pp. 59-70.

 

Claude Thiaudière : Les usages de l’adolescence : réduire le désordre de líépidémie

À partir du constat que la prévention du sida auprès de l’adolescence et de la jeunesse est importante alors que l’épidémie concerne peu ces catégories de population, l’auteur développe une réflexion sur la complexité des représentations sociales associant sida et adolescence, en partant de l’idée que ces catégories résultent d’un  » travail  » des institutions sociales. Ainsi développer un discours préventif sur le sida auprès de ces catégories a pour effet d’intégrer le sida dans un discours consensuel plutôt que de parler au nom de catégories marginales (homosexuels, toxicomanes, migrants d’Afrique). En s’adressant à ces deux catégories, on met en jeu des modèles de fonction sociale (l’institution biographique pour l’adolescence, le groupe territorial pour la jeunesse). Cette lecture de l’action de prévention fait apparaître le clivage politique sous jacent, d’un côté l’adolescence à protéger des risques liés au sida ; de l’autre la jeunesse, à protéger des risques que le sida fait courir à la société.

Adolescence, 1999, T. 17 n°2, pp. 47-58.